Professionnalisation

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Un peu partout on laboure, les tracteurs ont chaussé à l’arrière des roues doubles, le lisier et le fumier répandus ces derniers jours sont enfouis et la terre grasse de dessous, brillante et humide, refait surface. Un coup de herse, un coup de rouleau et la page est tournée. Le printemps est sur ses rails.

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J’écoute au soleil, sur le chemin de l’ancienne déchèterie, une série d’émissions que la Fabrique de l’histoire a consacrées en 2007 au siècle de Louis XIV. Au détour de l’une d’elle qui revient sur les travaux de Mircea Eliade, la société de cour et le processus de civilisation, un historien – ou un sociologue ? – confie au journaliste qui s’étonne du manque de souffle de la recherche qu’il est aujourd’hui presque impensable pour quiconque de se jeter dans des entreprises aussi ambitieuses que celles d’Eliade, de Weber, de Durkheim ou de Marx. Les contraintes du professionnalisme qui pèsent actuellement sur les entreprises des universitaires leur interdisent même ce type d’opération. Les historiens travaillent de moins en moins sur des données de seconde main, chacun prend un temps important pour produire les données qu’il réfléchira sans jamais risquer une théorie de haute généralité. Les objets d’études se sont resserrés, on avance plus lentement et les synthèses sont de plus en plus difficiles.
Je le crains en effet, mais le culte que l’époque voue aujourd’hui au professionnalisme et à la professionnalisation n’est qu’un de ces ponts aux ânes chers à Gérard Genette (un pont aux ânes que celui-ci n’a, à ma connaissance, pas encore égratignés). Il doit plutôt nous encourager à désobéir, à court-circuiter les attentes par trop prévisibles, trahir les promesses qui bétonnent, penser au-delà de l’ombre que projette notre lampe de chevet, redevenir des amoureux fous et des amateurs éclairés.
On descend à Vevey, Sandra et les enfants vont louer des skis, on se retrouve au bord du lac. Il fait un temps à se baigner et à rester dehors. On rentre.

Ceci encore: j’ai renoncé ce matin à rivaliser avec l’oeuvre de Victor Hugo, partant à être inhumé dans l’un des vingt-six caveaux du Panthéon. J’ai pris cette décision après y avoir fait une visite. Et bien non ! Seul avec Jean Lannes, maréchal d’Empire, dans le XIIème caveau ? Pas drôle ! Avec Voltaire et Rousseau à l’entrée de la crypte ? Usant ! Avec les Curie dans le huitième caveau ? Comment me comporter ! Remplacer celui qui a pris la place de Jean-Paul Marat, lequel a remplacé pendant quelques mois Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau exclu pour indignité ? Et bien non ! Je vise quand même l’éternité. C’est décidé, plutôt le caniveau.

Jean Prod’hom


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