Les 807

Chambre 807 du Grand Hôtel Plaza à Rome

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Cher Pierre,
Il pleut sur les tuiles et le velux ; je me réveille au milieu de la nuit et descends à la bibliothèque. Edelweiss et Fleur qui semblent m’attendre prennent les devants, je leur ouvre la fenêtre de la salle de bains, ils disparaissent sur le toit glissant.

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J’hésite à descendre d’un étage et à ouvrir le frigo, mais un bref examen de conscience me ralentit : la fin des vacances approche et il convient que je retrouve une certaine discipline. Je remonte bien décidé à m’endormir, tarde pourtant, si bien que lorsque je me réveille, toute la maison est déjà sur le pont : Sandra et Louise besognent autour d’un livre de mathématiques, Arthur devant un puzzle de 2000 pièces. Lili, elle, prend du bon temps. Je décide de lire les dernières pages du Chardonneret, que je me félicite de terminer enfin ; les dernières pages, dont je recopie quelques éléments, me ravissent.

Parce que, si nos secrets nous définissent, en opposition au visage que nous montrons au monde : alors le tableau était celui qui m’a emporté au-delà de la surface de l’existence et qui m’a permis de savoir qui j’étais.

L’oiseau nous regarde. Il n’est ni idéalisé ni humanisé. C’est un oiseau, point. Vigilant, résigné. Il n’y a pas de morale ou d’histoire. Il n’y a pas de résolution.

... la transsubstantiation où la peinture est peinture et pourtant en même temps plume et os. Pas craintif, pas même désespéré, mais inébranlable et tenant sa place. Refusant de se retirer du monde.

... dé à coudre de courage, tout en duvet et os fragiles.

... il n’y a qu’en s’avançant dans la zone intermédiaire, le liséré polychrome entre vérité et non-vérité, qu’il est tolérable être ici et décrire cela, tout simplement.

Lorsque j’entre au milieu de l’après-midi dans la cafétéria de C, les pensionnaires de l’EMS sont nombreux à boire un thé avec leurs invités ; je leur souhaite une belle année mais ne m’y attarde pas. Je jette un coup d’oeil, avant de monter à l’étage, au grand salon où somnolent devant une série américaine deux personnes âgées et un homme encore jeune. Je connais le chemin, croise une infirmière jamais vue jusque-là, lui parle en élevant la voix pour que mon arrivée ne surprenne pas T. Celui-ci écoute la radio, couché dans son lit, il l’éteint ; nous nous souhaitons la meilleure année qui soit. Je déplace le sac à dos qui ne quitte pas la chaise noire contre laquelle sont appuyées ses cannes et sur laquelle je prends place. Je lis trois chapitres du Sable mouvant de Henning Mankell ; T semble si fatigué que je décide d’abréger sa visite.
Je bois un jus de pomme à la cafétéria avant de quitter l’établissement ; deux tables sont occupées : à la première, on y parle au ralenti ; à la seconde, un résident fait un mot fléché. Dans le coin cuisine, une employée met un peu d’ordre ; dehors le brouillard semble se retirer à mesure que la nuit tombe. Je rentre.
Au Riau, Louise analyse avec Romance une représentation de sacrifice humain tirée du codex Magliabechiano ; Louise m’accompagne lorsque je ramène son amie à 19 heures à Moille-Margot.
Au retour, nous nous retrouvons en famille autour d’un plat de pâtes et d’une salade préparées par Sandra ; après quoi, une fois n’est pas coutume, je regarde avec eux un film tout récent, Agents très spéciaux, qui a pour principal mérite de se dérouler en partie dans le Grand Hotel Plaza à Rome où Solo, Kuryakin et Gaby séjournent, et plus particulièrement dans les chambres 707 et 807. Eric Chevillard et Franck Garot ne sont évidemment pas pour rien dans ce choix. Et que leurs noms ne soient pas cités dans le générique de fin démontre une fois encore leur proverbiale discrétion.
La pluie n’a pas cessé de la soirée, et lorsque je me glisse sous l’édredon, je l’entends à nouveau pianoter sur le toit. Je tente de suivre, derrière l’écran de mes paupières, les gouttes d’eau s’écouler de l’arrête du toit, cascader de tuile en tuile, contourner les obstacles qui se présentent ; j’essaie d’en évaluer la quantité mais les perds de vue lorsqu’elles s’engouffrent dans les chéneaux puis les tuyaux de descente ; et à mesure qu’elles rejoignent, sous terre, les canalisations des eaux claires, je m’endors.

Jean Prod’hom

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Eric Chevillard manque à l'appel

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La rédaction et la publication quotidiennes de mes billets m’auront permis de découvrir quelques-unes des innombrables affections de l’âme que celle-ci est amenée à endurer lorsqu’on lui demande de suivre une règle aussi contraignante somme toute que celle de saint Benoît. Mais elle m’aura aussi conduit à vouer une admiration sans borne, presque religieuse, pour les triptyques quotidiens d’Eric Chevillard. La variété de ces petites proses d’une ou quelques lignes et la légèreté avec laquelle chacune d’elles s’ouvre, fleurit et se clôt n’ont pas cessé de m’émerveiller et de m’interroger. L’homme disposerait-il de nègres ou d’une martingale à esbroufe, d’un automate syntaxico-sémantique ou d’un vieux secret ?

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Or voilà que nous voici dimanche et deux fois trois billets du bonhomme manquent à l’appel, ceux d’hier et d’aujourd’hui. Je m’inquiète d’abord avant de constater bien vite que ce n’est pas la première fois, ce diariste a posé des lapins à plusieurs reprises déjà, chaque fois un dimanche : les 30 septembre, 14 octobre et 4 novembre 2012, le 2 juin 2013. Va pour dimanche mais samedi ? Je fais quelques conjectures sans grand intérêt, sans grand enthousiasme non plus avant d’entendre distinctement la leçon que mon héros m’a adressée, l’admiration toute religieuse que je lui vouais se transforme alors en compassion. Tout n’est donc pas si facile, la mayonnaise parfois ne prend pas, le regard peine à se fixer ; derrière ces paraboles légères et leurs courbes aériennes il y a un homme besogneux, me voici guéri, Eric Chevillard ne rédige pas ses triptyques comme j’effeuille une marguerite ou compte les 807 brins d’herbe de ma pelouse, les trois petits foyers ont chaque jour besoin de conditions particulières et d’une flamme qui parfois manque.
En attendant la livraison du prochain triptyque de Chevillard je livre ce billet, assez satisfait d’être au rendez-vous, mais avec le désir coupable de détourner en ces lieux, avouons-le, ses habituels lecteurs.

Jean Prod’hom

Altitude 807 mètres

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Le 29 septembre dernier il pleuvait des cordes sur Rossenges, il m’avait fallu écourter ma visite. J’avais eu beau ce jour-là tourner sur les hauts du hameau de l’Abbaye, le cimetière semblait bel et bien avoir disparu. Pas grand monde, une cinquantaine d’habitants pour me renseigner, je devais m’être trompé ou les cartes au 25’000 dont notre administration fédérale est si fière avaient manqué le coche ou de réaction. Que les morts ne soient morts que pour un temps, ici, au coeur de la Broye, me procurait une curieuse et nouvelle impression, j’ai quitté la colline songeur, s’il y avait un endroit où les cimetières devaient ne pas mourir, c’était bien ici.
J’ai repassé dans le coin il y a une paire de jours, il faisait beau, un vieux de la commune m’a raconté : le cimetière a été désaffecté il y a quelques années parce que les gens n’y enterraient plus leurs morts, qu’ils préféraient Moudon, son cimetière et son four crématoire, c’est moins cher. Sans compter que cette décision simplifiait le travail des paysans, pensez donc, cher Monsieur, les tracteurs devaient jusque-là tourner autour des morts, dans notre métier le temps compte, sachez-le, ce cimetière était plus embêtant qu’une verrue.

31 octobre 2009
Rossenges | Google Earth, 31 octobre 2009 | élévation : 807 mètres

Je me décide aujourd’hui à jeter un coup d’oeil sur Google Earth, le satellite a rendu visite à la commune de Rossenges le 1 août 2012, il n’y a déjà plus de cimetière. Le menu Affichage | images historiques m’invite remonter le temps, le 26 mars 2012 – les ombres des toits laissent penser que c’était le matin – le cimetière n’a pas réapparu. C’est seulement à l’occasion de son passage le 1 août 2009 que le cimetière trouve sa place entre prés, pommes de terre et blé.
Rossenges a donc rempli les conditions pour la désaffectation de son cimetière qu’énumère le règlement 818.41.1 du canton de Vaud sur les inhumations, les incinérations et les interventions médicales pratiquées sur des cadavres du 5 décembre 1986. La désaffectation des cimetières est en effet du ressort des autorités communales s’il s'est écoulé moins de trente ans depuis la dernière inhumation, à moins que le département ne donne son accord. La désaffectation est portée à la connaissance du public au moins six mois à l'avance, les objets et monuments garnissant les tombes sont repris par les intéressés. Les ossements humains aussi, si les proches le demandent, mais à seule fin d'incinération. Sinon les ossements resteront en terre, ou la commune les placera dans un ossuaire, ou elle les incinèrera.
Rien ne se perd rien ne se gagne. Pas sûr cependant que la piscine creusée par l’un des habitants de Rossenges à la pointe nord-est de la commune ne remplace avantageusement le cimetière de Rossenges.

1 août 2012
Rossenges | Google Earth, 1 août 2012 | élévation : 807 mètres

Jean Prod’hom

Les communautés de l'arbitraire





Éric Chevillard aura été l'un des premiers héros des pelouses à succomber à son charme, Roger Federer rejoindra la communauté peu après. Mais ne nous méprenons pas, d'autres avant eux y avaient succombé, d'autres après eux y succomberont. Autour du nombre sacré s'étaient en effet donné rendez-vous le corps et l'esprit, les poètes et les jongleurs, les pelouses et le bitume, le tout et le rien, les riches et les pauvres, Dubaï, Rome, Jérusalem et Toulouse, ce qui avait commencé depuis toujours et ce qui viendrait plus tard. C'est ainsi qu'est née, succombant à son charme, la première des communautés de l'arbitraire qui ont été appelées à fleurir dans les siècles à venir.

Jean Prod’hom

Anniversaire



Toutes nos entreprises, vaines ou essentielles, croisent un jour celles que d'autres ont initiées dans le passé ou initieront dans l'avenir, petites ou grandes, c'est l'un des corollaires de l'effet papillon. Ainsi, la petite affaire qui a démarré au Riau le 29 octobre 2008 croise aujourd'hui l'aventure à laquelle Franck Garot, avec la complicité d'Eric Chevillard, a donné le coup d'envoi le 20 janvier 2009, et croisera demain ou après-demain celle qu'a mise en route Roger Federer le 30 septembre 1998 à Toulouse aux dépens de Guillaume Raoux. Et tandis que le roi du gazon songe secrètement au déclin et que le logicien fanatique de la Roche-sur-Yon s'incline une fois encore sur les brins d'herbe de son jardin, je dépose ce billet et m'envole, tourne le dos à ce petit monde, cueille quelques fleurs et m'éloigne de ce point de conspiration, inexorablement, heureux d'en avoir été.


Jean Prod’hom

En danger critique d'extinction



L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) lance un cri d’alarme : la BO7 sauvage est en voie d’extinction. On n’en dénombrait plus que quelques-unes sur l’ensemble du territoire vaudois en 2010. On tente le tout pour le tout avec les derniers spécimens nés en captivité.


Jean Prod’hom
8 juillet 2011

Léviathan



« Attends ! » chuchota Louise en se dirigeant vers le salon dont elle ferma délicatement la porte. La chère enfant avait-elle deviné les sombres pensées qui m’agitaient ce soir-là ? Délaissé sans raison par l’inspiration, je souffrais en effet depuis quelques jours mille maux. Et, tandis que j’entendis grincer les tiroirs du meuble de typographe dans lequel je conserve d’inutiles trésors, je songeai à la mort. Je m’étais approché tout près de la nuit qui ne finit pas lorsque Louise réapparut. M’étais-je assoupi ?
– C’est pour toi papa, et pour Franck, Joël, Hélène, Joachim, Myriam, Estelle, Michel, Camille et les autres.
– Mais qu’est-ce que c’est ?
– La bête qui vous dévore.



Jean Prod’hom
11 juin 2011



Combat de reines en Lacanie



Elles s’appellent Paméla, Pivoine, Tundra, Katchina ou Pigeon, Baticha ou Palma, Choupette ou Eden, Vendée, Sirène, Violine, Java, Muscade ou Coucou, Lara, Violette, Flora, Baya ou Pakita, mais elle s’appellent aussi Bagherra, Comanche, Cheyenne, Pagaille, Bulldozer ou Dynamite. Ne nous y trompons pas, c’est ainsi qu’on commémore au printemps le combat de titans que se livrent là-haut sur la montagne l’imaginaire et le symbolique dans l’arène du réel.


Jean Prod’hom
29 mai 2011

Les tourments d'Eric Chevillard



Levé à l’aube, j’ai démarré ce matin l’entreprise si souvent différée qui devait compléter l’enquête que je mène depuis un certain temps déjà sur un large pan de l’oeuvre d’Eric Chevillard et, plus spécifiquement, me permettre de saisir la raison pour laquelle il s’était arrêté là de son décompte, 807, un mardi de janvier, dans ce qui devait être à l’évidence un jardin sous cloche; pourquoi l’homme a reconduit une telle entreprise un jeudi de septembre – de la même année – au prétexte qu’il souhaitait connaître le monde – dans une pelouse cette fois-ci; pourquoi il a demandé un jour de novembre – alors que les prés sont maigres – sa réadmission dans le pavillon des aliénés qu’il n’aurait jamais dû, dit-il, quitter; pourquoi enfin cette oeuvre qui l’effraie tant, son oeuvre l’a conduit tout naturellement à soupçonner qu’elle était celle d’un autre.
Je vous passe le détail. L’homme est aux abois, incertain de l’avenir. Pourra-t-il achever cette oeuvre qu’il dépose brin à brin dans les rayons des bibliothèques du monde avant que celles-ci, si tôt déjà et il le sait, ne soient désherbées par les mains inexpertes de quelques fonctionnaires qui, tout comme lui, n’auront su de leur vie distinguer le merle au chant humide du corbeau aux sinistres présages?
Il ne reste à cet homme rien d’autre que la dérision en porte-à-faux, celle de l’homme tard venu qui découvre à la fin la confusion dans laquelle il fut, dernier cri de la littérature de pavillon, lorsque le génie se réveille et prend conscience avec effroi qu’il aurait pu ne pas être le premier serviteur des écrivains des pelouses, mais l’Alexandre de ceux des pâtures, celui qui dénoue, se dresse avec hardiesse au milieu du pré, deux poignées d’herbe portées au ciel, ultimes offrandes adressées à Dieu qui connaît le secret chiffré de ses tourments.


Jean Prod’hom
29 avril 2011

Dimanche 13 mars 2011


Pour Joachim Séné


En mémoire
loin très loin
le passage des bombardiers
à mes pieds
sur le bitume
l’animal écrasé

sept cent soixante-huit grenouilles
encore invisibles
sortent de terre

trente-neuf ont pris les devants
sur la glace de l’étang
rampent
désarmées

un peu trop tôt
pas sûr qu’elles tiennent le coup

elles écrivent dans la précipitation
l’alphabet des malentendants





Jean Prod’hom

19 mai 2011

Prophétie



Et le nombre sacré apparaîtra en toute chose, en tout lieu et à tout instant.

Et le nombre 807 nous débarrassera de l'inconscient.

Et le monde redeviendra comme au commencement.

Jean Prod’hom
11 décembre 2010

Complément à l'œuvre de René Girard



La petite ville de Gstaad peut passer pour l’une des plus jolies des Préalpes occidentales. Il y fut précepteur dans les années soixante-dix. Un couple de Portugais catholiques et dociles assurait alors l’essentiel du train de vie d’une riche famille polonaise dans un chalet de maître situé entre la Lauenenstrasse et la Rotlistrasse : elle cuisinait, blanchissait le linge et tapottait les traversins ; il faisait les courses, endossait le gilet de Nestor et ripolinait chaque matin le véhicule qui menait la maîtresse de maison au Palace dans les salons duquel elle s’adonnait au bridge. Et puis il y avait l'Autrichienne, jeune nurse bien faite ma foi qui s’ennuyait un peu, lui aussi si bien que leurs liens se resserrèrent. La première semaine ne fut pas achevée que le précepteur se retrouva prisonnier du chalet à des heures qui dépassent les convenances. Il lui fallut donc sortir coûte que coûte avant le réveil de la maisonnée. L’Autrichienne le conduisit par la main sur le balcon en lui murmurant les milles folies qui réchauffent nos hivers. Mais pas d’échelle et deux étages à vaincre, ... fermez les yeux c’est fait. Ne voyez-vous pas l’amoureux qui s’éloigne dans la nuit ?

J’ai lu que le X-Seed 4 000 culminerait à 4 000 mètres et regarderait dans les yeux le mont Fuji. Un peu de haut puisqu’il le dépasserait de plus de 200 mètres. Il serait ancré dans l'océan au large de Tokyo et abriterait plus d’un million de personnes. Il compterait, dit-on, 807 étages.

Julien mon frère, que serions-nous devenus si ta Mathilde et mon Autrichienne avaient eu l’invraisemblable idée d'être de ce siècle ?

Jean Prod’hom
25 novembre 2010

Vendredi 15 octobre 2010



Là-bas, à 800 mètres sous terre, 200 invités triés sur le volet sabrent le champagne, le dernier pan de rocher est vaincu. Aujourd'hui une merveille industrielle est née au coeur du Massif du Gothard : 57 kilomètres d’un tunnel nouant solidement le sud avec le nord.

Là-haut, à la verticale du puits d'accès, un mineur prie les yeux tournés vers le ciel. Il a placé 7 mètres plus haut, dans la voûte de l’église de Sedrun, 50 kilos d’explosifs. Il veut honorer ainsi ses 9 amis morts pendant les travaux et nouer le bas avec le haut.

Lorsque tout sera oublié je reviendrai à Sedrun.

Jean Prod’hom
1 novembre 2010

Sublime élégance



Celui qui nous a quittés a invité 806 de ses admirateurs à l'accompagner au Père Lachaise.

Dernier coup de génie du bonhomme.

Il faut compter avec les morts.

Jean Prod’hom
1 novembre 2010

Dans la collection bleue


A Franck Garot


Il y a le merveilleux
il y a l’irréfutable
il y a les divagations de l’esprit
les asiles psychiatriques
les grains de sable
les larmes qui ne servent à rien
il y a la programmation
l’agitation des poissons hors de l’eau
il y a l’ironie qui blesse
les biotopes
un Airbus dans le ciel du Pakistan
il y a ce qu’on ne comprend pas
les faveurs des puissants
il y a l’apostasie
la haine féroce
il y a quelques Peugeot
il y a le flou figural
une pelouse
il y a les vieillards mourants
l’horlogerie fine
la violence des vagues
les portes fermées du ciel
les tueurs en série
il y a les alcools forts
il y a le boulevard du Maréchal-Leclerc
il y a les stages de formation continue
il y a les amis
il y a les sept nains
le forfait des clepsydres
les coïncidences
il y a la mémoire qui flanche
les lourdes symétries
il y a les pneus dégonflés
ta langue dans ma bouche
les marguerites et les pâquerettes
il y a le fair-play
il y a la réticence
il y a les tard-venus
le temps d’avant la disparition de l’homme
il y a les cours de recyclage
l'ancien sigle d’un commerce de produits alimentaires
il y a la bise
les nuits d’amour
il y a l’expérience
il y a ceux qui cherchent du travail
il y a le calvados
il y a les carrefours
il y a les lieux auxquels on s’attache
l’allure des nombres
le régime sans sel
les bas de page
il y a les pépins en série
son numéro de téléphone
il y a l’argent jeté par les fenêtres
les mille-feuilles
le jaune
il y a les baies vitrées
le jeu des chaises musicales
il y a ce qui n’en finit pas de mourir
les urgentistes
il y a les restes de la vaisselle du monde
il y a les personnages secondaires
les élans mystiques
il y a les décisions qu’il faut prendre
les blagues qui tombent mal
les deux mots qu’on ne dit pas
les fins de série
il y a les sucettes à l’anis
il y a les galets plats hors de l’eau
il y a les préliminaires
il y a la face du monde qui aurait pu changer
il y a les nuits trop courtes
les retardataires
les œufs
les déménagements
il y a le pain sur la planche
les limites à la patience
il y a le lascar qui louche
le prix Nobel
les ronds dans l’eau
il y a le voyage autour de sa chambre
les ruses de la raison
il y a les frères et les sœurs
l’Arc de Triomphe
les réminiscences de choses idiotes
il y a les spectacles qui ne valent rien
les fuseaux horaires
il y a le cagnard
il y a l’ombre de la victoire de Samothrace
les corbeaux solitaires
il y a des types formidables
les cimetières
les sottes recommandations
la légende
il y a Lausanne
il y la convoitise
il y a le ciment à prise à rapide
il y a le fruit du hasard
il y le visage de Samuel Beckett
les injections létales
le premier café
le marchand de viande
il y a la bienveillance
les listes interminables
il y a la double digestion
le sacre de Charlemagne
le néant
il y a les pièges de la concision
le béton
il y a les recherches sur Google
les yeux grand ouverts dans la nuit
il y a les journées d’études
il y a les points à la ligne
l’assentiment
il y a les matches de boxe
les croissants frais sur le zinc
les pandémies
les condamnations
il y a les têtes des Jivaro
il y a les chiens lâchés
il y a les droits qu’on s’attribue
il y a Waterloo
il y a les excès
les fâcheries
les références authentiques
une machine à coudre et un parapluie
il y a les voyages en train
la magie
il y a la page 48
la doyenne de l’humanité
les tâches auxquelles on renonce
il y a les femmes qu’on n’oublie pas
la suffisance des prétentieux
il y a ce qu’on trouve bien
il y a les gros célibataires
les hurlements de Fellini
il y a les égarements de la providence
notre stupidité
le besoin d’absolu
les lettres d’excuses
l’ineptie des modes
les passagers du train Paris-Le Havre
il y a un saut d’eau salée
le sable
les maigres outils pour affronter la vie
Princesse Apocalypse
il y a le double visage de la réalité
il y a ce rien que nous sommes
le pied des murs
les fous rires
il y a une définition de l’aphorisme
quelques âmes charitables
la retraite d’un écrivain
la tour de Pise
il y a un huis-clos
le trèfle
une tondeuse à gazon
un poème de Paul Celan
le langage des charcutières
il y a les enfants des rues
les marches aux portes des palais
Marcel
les contrats à durée déterminée
les nouveaux riches
l’exclusion
il y a la critique littéraire
un crieur de bonnes nouvelles
l’amour courtois
le gazon de Wimbledon
le remboursement des dettes
il y a l’œil du coiffeur
il y a des bottes de paille
les haies
le désherbage
la main du Diable
des rediffusions
il y a une caisse d’anchois
les origines de la crise
les feux de l’enfer
des rustines
une moissonneuse-batteuse
il y a un compte à rebours
les relations contre nature
les lattes fatiguées d’un vieux lit
il y a même une fable
il y a le Président de la République
il y a les portes du Paradis
un mot de toi
ceux qui sont au pied du mur
il y a un ceinturon
les poches arrière d’un jeans
la mayonnaise
des agents spéciaux
il y a l’idée lumineuse d’un sergent
les premiers flocons de neige
l’aubier des arbres centenaires
il y a des pots de confiture
les reflets verdâtres du marais
les dompteurs de puces
les affaires pliées
les cœurs éclatés
les assoiffés du désert
un étrange mille-pattes
les marigots
il y a un nombre triste
un bouquet final
l’amour de la performance
la langue suédoise
les dimanches
les bayous
les livres qui ne se vendent pas
il y a la totalité des malheurs
de timides essais de conceptualisation
il y a les chuchotements
les chagrins qui sont à demeure
quelques enfants illégitimes
de l’allégresse
des suicides manqués
il y a une épitaphe extraordinaire
il y a des ascenseurs
il y a le sida
des claquements de portes
il y a l’autel des incertitudes
des chiffres et des lettres
il y a l’osier
les ascensions alpines
l’odeur de l’ambre solaire
il y a ce qu’on ne dit pas
il y a les objets perdus
les conjectures
l’arrivée au port
il y a la salade pommée
une kyrielle de moineaux
les rousses
le mercurochrome
il y a les bonnes manières
le mauvais temps
les cures d’amaigrissement
il y a des images de vierges
il y a une course d’escargots
le Q.I. des traders
le vieillissement prématuré
les mille et une raisons d’aimer
la première barbe
l’impatience du Chaperon Rouge
il y a les demandes inutiles
il y a ce qui a lieu mine de rien
les inséparables
l’obéissance des enfants
les longues attentes
l’abandon
il y a les proverbes
il y a des moutons à l’œil vengeur
la candeur
l’effet domino
une annexe aux traités de Tilsit
la burqa
il y a Madeleine Berger
les plages bretonnes
le souvenir de la bataille d’Eylau
il y a Yvonne et le Général
les commencements de l’Histoire
les 35 heures
le reniement de saint Pierre
le quarté
un marchand d’échelles
il y a la Mer Rouge
d’étranges royaumes


il y a les difficiles cohabitations
il y a les jours de pluie
le mouvement ouvrier
les étoiles
il y a la famille des ombres
le Mont-Blanc
les inusables chemins
l’évidence
il y a l’effondrement d’une tour
les rendez-vous manqués
il y a des prophéties
la douce folie
il y a celle qu’on voudrait cueillir au milieu de la foule
les diagonales
il y a les dimensions de nos vies
d’autres saisons
les merveilles du monde
des parkings
il y a demain
Indianapolis
des occasions
la tentation d’une vraie vie
il y a le mardi matin
les reconduites à la frontière
le temps des retraites
les obsessions
il y a l’illettrisme
le paysage du livre
le mois de mars
les trains qu’on a comptés dans la nuit
il y a Combray aujourd’hui
la vie d’étudiant
le fond du jardin
il y a l’allumeur de réverbères
la mauvaise herbe
il y a un fleuve
le Goncourt
les dés pipés
les vices et les vertus
une ceinture brodée
il y a ceux qui cherchent les poux
il y a une théorie des genres littéraires
la colère des lecteurs
le refus
il y a Pompidou
il y a aussi la dèche
une méditation sur l’avenir
les marges de l’histoire
la dureté du bois
il y a les écrivains qui tiennent à la gloire
les canapés au foie gras
les majorités relatives
le soutien psychologique
il y a les bonnes raisons
il y a les arnaques
des rêveries
le chapelet des idées reçues
les faux espoirs
il y a Orly le dimanche
l’histoire d’un Inuit
des nuits blanches
le tour du monde
il y a les lignes de fuite
il y a les fois prochaines
la plongée sous-marine
l’oubli
il y a Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski
il y a Cyrano
il y a un seul taulier
une tête coupée
les dernières secondes d’une vie
les files d’attente
il y a ce qu’on s’est mis en tête
un rêve de Joachim
les nymphéas
il y a les brutes zélées
l’indiscrétion du lecteur
des batailles
l’île Maurice
une lettre d’amour
le grain de la voix
il y a le désert
les horloges
les décharges
il y a les décombres
les regrets
une seconde vie
les éclats de rire
il y a celui qui n’est pas des nôtres
il y a un fringant jeune homme
la patience de Noé
Pluton au périgée
la grille derrière laquelle attendaient les réfugiés
les trains de la mort
les colonies de fourmis
les regards terrifiés
il y a les boiteries
la honte
le bob
il y a des mots rares
un gars tout seul au coin de la rue
la fierté
les constats affligeants
il y a la chasse au lièvre
une joggeuse
les punitions
les pièges du miroir
la position des tireurs
les soupirs
les boules de cristal
les cruelles certitudes
il y a Philémon et Tristan
il y a la grammaire
le libre accès
les mousquetaires
le vote électronique
il y a des manifestants
des messages d’insultes
le soleil qui fait grève
un psychanalyste à la retraite
il y a toi et moi
il y a une chanson de gestes
des apparitions
il y a Dieu
les choses de moindre importance
il y a la fatigue
le plagiat
les dimensions de la bêtise
la patience
les coups de chance
le bout des champs
il y a une pile de chemises
un Petit Larousse
des insomnies
le ciel au-dessus de nos têtes
le courrier du monde entier
la maladie qui vous cloue
les fumeurs et les autres
il y a l’Atlantide
il y a des faussaires
un porte-monnaie vide
il y a la commune de Fernoël
une approche avortée de l’infini
le voisinage
des contestations
il y a Noël
l’ami Pierrot
la réparation des injustices
il y a l’Internet
les noces de l’ennui et de la contrainte
il y a les paris
un écrivain gros et fier
la danse moderne et classique
les hommes à principes
les femmes de Casanova et Casanova lui-même
il y a une bande de désœuvrés
l’autre calendrier
le règne de Charlemagne
il y a sa liaison supposée avec Adalinde
les lettres de rupture
celle qu’on a retrouvé dans l’étang
des larmes
il y a les poèmes dont on ne se souvient pas
les brouillons
les pages blanches
les grains de beauté
les rondeurs démodées
le chef du casting
une femme de ménage
l’enfant qui réclame une histoire
il y a même les cuisses de Blanche-neige
le dernier voyage
il y a Jules Hetzel
ce qui persiste
deux policiers toulousains
les raison d’un refus
l’inhibition du pape
il y a les livres qu’on ne lira pas
le temps perdu
la sérendipité naturellement
la recherche du silence
il y a la république des livres
les statistiques
une bougie
les derniers jours
il y a la guérison
trois fois trois fois rien
il y a des opérations arithmétiques
il y a quelques tours de passe-passe
il y a le désespoir
il y a celui qu’on a oublié dans une prison
l’ombre de Ponce Pilate
il y a un wagon de cinglés
il y a les statuts
des jeux en ligne
il y a le temps des cerises
les défaillances humaines
des bouteilles
un concours d’orgasmes en couples
il y a l’un dans l’autre
il y a des péripatéticiennes
un amateur de chiffres ronds
il y a des langues inconnues
il y a de grosses bêtises
il y a la corde à laquelle chacun tire
un voyage sur Mars
il y a Don Giovanni
deux poussettes
il y a des huîtres
les années 30 à Chicago
les gâteaux à forme ridicule
Schrödinger
un chef-d’œuvre inconnu
il y a les rendez-vous
il y a les bien que
un puits au milieu des plates-bandes
les bourgeoises de Pont-l’Évêque
il y a un enfant de cœur
il y a le livre de trop
l’art contemporain
il y a ceux qu’on disqualifie
le tiercé
le poing dans la poche
il y a le loto
la haine sans raison
les excuses
il y a un huis sans serrure
il y a la météo
la télévision
il y a les réjouissances
les royaumes pourris
il y a un hérisson
un centre commercial
les dés pipés
il y a les instruments de domination
il y a le besoin de se renouveler
la bêtise
l’arrogance
les caresses
il y a sept corps dans un puits
l’ambiguïté
les occasions ratées
la générosité des mères
il y a les journées qui durent
le bonheur des pères
la petite forme
les anglicismes
la distance qu’on prend pour y voir clair
les nombres sans-grade
il y a bien plus
il y a l’infini qui guette
les ovations à Avignon
nos ignorances
les sévices
l’avenir qui donne tort
un manifeste poétique
le public
il y a les coups de main
il y a les préférences
les raisons de continuer
il y a les pourquoi
les fraises
la vie après toi
il y a la sobriété
le grand guignol
des grandes gueules
l’électricité
Tokyo
les pingouins du pôle Nord


il y a les promesses non tenues
Leonardo Fibonacci
un évêque
des taupes
il y a les cactus
les mises en examen
les effeuilles
la route entre Rome et Amsterdam
le désir de partir
un rond-point
une marquise
il y a les grosses colères
les quais de gare
il y a les appartenances
les illuminés de Salt Lake City
la reconnaissance
les miettes de pain
la longueur de la page
il y a la rage
il y a ce qu’on attendait depuis longtemps
les refus
le temps d’avant
les réincarnations
le harcèlement
un majordome
il y a les petites épiceries
les nœuds de vipère
une mercière
il y a les tragédies de la route
l’absence du père
il y a le château d’Oliferne
la saveur de certaines proses
l’aveu
les coups de pied qui se perdent
les équations sans réponse
des licenciements
il y a une chute vertigineuse
mille raisons de refuser
les estuaires
le travail recommencé
les ports
les noms d’oiseaux
la lisière des bois
il y a l’immortalité
les ronds de fumée
les changements de cap
les arrêts maladie
la nostalgie
les promesses d’éternité
des sources et des lacs
il y a les grand moulinets
les dispenses
les passages à tabac
les polars
les éliminations sommaires
il y a ta vie
les clés de Saint-Pierre
la tiédeur de l’enfer
les homélies pascales
il y a l’olivier centenaire
les passages à blanc
les habits de printemps
les justifications
il y a des imprécisions
il y a les retards
l’autosatisfaction
les degrés de l’humour
les rires
les agences de presse
les imitations qui mettent mal à l’aise
l’huile oubliée sur le feu
la vérité du Petit Poucet
l’enterrement du mouvement surréaliste
il y a les mouches
il y a la bravoure
le livre des records
il y a ceux qui passent à travers les murs
il y a ceux que l’imagination n’étouffe pas
les gants blancs
l’amour des comptes ronds
le vouloir dire
les petits réflexes câlins
les bons côtés
les supplications
un confessionnal
il y a les derniers cheveux
le bilans des gains et des pertes
les taches de rousseur
il y a des râteaux et une pelle
il y a les bonbons
Robert Desnos
les mensonges
le zéro
les examens
l’encre rouge
il y a le clin d’œil des étoiles
l’extrême onction
les frasques de coco
il y a des dépositions
il y a les mauvaises raisons
l’inutilité
le vieil Armand
le chapelet des petits emmerds
les aboiements
la tonsure des moines
il y a un père et sa fille dans un parc
il y a les petites pierres blanches
l’heure qui passe
la durée
le type qu’on fête
le geste tranchant des géants
les confidences
il y a un gâteau d’anniversaire
il y a des bougies
il y a l’agitation
l’assiduité
il y a ceux qui s’y croient
il y a un sonnet
il y a des vies minuscules
le réveil
l’Académie française
les prétextes
l’ordinaire
l’appel du 18 juin
il y a un hymne national
il y a les cortèges de sottises
ce vers quoi porte le regard
les constructions de demain
les curiosités linguistiques
les superstitions
les yeux des fous
il y a les gadgets
il y a les robes de mariée
la scansion
les pauvres espoirs
il y a les fiches de cuisine
les lamentations
le pressentiment
l’entassement des saisons
les manies inaperçues
les vieilles bouteilles
il y a les trompettes de la renommée
il y a ceux qui ont un chien
le pourrissement des morts
un rêve d’Ubu
l’herbe verte au retour du désert
les sifflements du vent
les pâtes de fruits
les crevaisons
il y a une cahute
il y a les trompe-l’œil vieillis
le Paic citron
il y a les recommencements
les jolies brindilles
les déjeuners sur l’herbe
les déclarations
la correction
les hérissons qui se hâtent sur le bitume
la crise
il y a les professeurs de philosophie
les arbres à came
il y a l’immanquable
la pagaille
les inondations
il y a des revenants
il y a des cactus
il y a les syllabes
l’âge mûr
il y a Shakespeare
l’ombre du maître
le cancer de la gorge
la Guilde des avocats de la ville de Dijon
le prénom oublié d’Alzheimer
les salariés au lendemain de leur licenciement
il y a l’hôpital Sainte-Anne
il y a les bonus
il y a ce que tu vois dans la glace
les sondages
les rencontres de Chaminadour
les restrictions budgétaires
les exigences tyranniques
l’oubli des proches
la ponte
les cueillettes
il y a le tournage d’un film
il y a les gargotes
les méthodes pour bien lire
une paire de bottes
les apôtres
les quelques secondes de trop
les exercices d’admiration
la contagion
le confort
il y a des réussites
il y a les poignées de mains
il y a ce qu’on oubliera
il y a les employés des douanes
les victoires qui lassent
la dépression
l’inlassable circulation des hommes
les cris de la victoire
il y a la fin des vacances
la démission des leaders
le cercle de l’horizon
il y a un bouclier de cuir à l’ancienne
il y a les mesquineries
les plaintes qui n’aboutissent pas
la relativité du temps
la princesse de Clèves
la jalousie
la nécessité
les 400 coups
il y a la roulette russe
la répétition des mauvais souvenirs
les airs fripons
il y a le ridicule
les excès
l’histoire qui défile
le découragement
la guérison
il y a le regroupement de militants fanatisés
les ravissements
le consentement au premier baiser
les habitudes qui franchissent les générations
il y a un billet de 1 000 dollars
la bouche qui te regarde
les séances chez le psy
il y a les tablettes d’argile
la récursivité
la rébellion de personnages en papier
il y a un ange dévasté
il y a cent mille milliards de poèmes
il y a les casse-tête
les allées du Père Lachaise
sept oranges à Alicante
la légitimité obtenue au forceps
le débarquement à Cythère
il y a l’avenir du livre numérique
il y a la preuve par l’absurde
la supériorité des formes brèves
les beautés en bikinis
le Boudpokistan
il y a l’inattention
les yeux dans le vague
les groupes des pression
il y a des poulets en vadrouille
il y a une élection
il y a les coups sur la tête
les recours à ce qu’on ne saurait disposer
les maux de dents
les bons perdants
le manque d’idées
l’évidence à laquelle on se rend
l’armée monégasque
les combats d’arrière-garde
il y a ce que tu me dis
le livre des records
il y a les excès de bière
les explications confuses
il y a une soutenance de thèse
il y a les gorges chaudes
les prés fauchés
il y a les charpentes
les révoltes populaires
il y a l’Afghanistan
les oui mais
il y a les engagements précieux
les fabuleux destins
les balades en bateau
il y a ce qu’il faut bien admettre

Jean Prod’hom
26 octobre 2010

Parabole



«Je cherche un homme» répétait Diogène en parcourant la ville d'Athènes avec sa lanterne.

À Œdipe qui se demande comment retrouver à cette heure la trace incertaine d'un crime si vieux ? Créon répond : «Ce qu'on cherche, on le trouve ; c'est ce qu'on néglige qu'on laisse échapper.»

Et toi pauvre insensé, que réponds-tu à celui qui te demande ce que tu cherches au cœur de ces lignes, et que tu ne trouves pas ? Dis, que réponds-tu ?

Jean Prod’hom
17 octobre 2010

Mathesis universalis



L’imperfection de la création torture Jean-Rémy, qui ne peut imaginer des séries que parallèles et complètes ; peu importe d’ailleurs le nombre : 24 ou 26, 31 ou 36, Jean-Rémy est prêt à tout. Mais surtout, surtout mon Dieu, autant de dents dans la bouche de l’homme que de cantons dans la Confédération helvétique, de jours dans le mois que de lettres dans l’alphabet.

Si la découverte d’un mille-pattes n’en possédant que 807 a secoué il y a une année, on s’en souvient, la communauté des savants, celle récente d’un parterre de millepertuis aux feuilles perforées 403 fois seulement a mis en ébullition celle des botanistes. Ne parlons pas des pâtissiers qui sont au taquet avec leurs mille-feuilles auxquels plus personne ne croit et qui n’ont pas hésité à faire appel à la crème des avocats pour répondre aux plaintes qui affluent.

Sandra m’annonce fièrement que Lili sait compter jusqu’à cinq : Lili se prépare, Lili surveille sa main gauche grand ouverte, jette un coup d’œil à sa main droite avant d’appliquer chacun des doigts de la seconde à ceux de la première. Bien vu Lili, mais comment sais-tu qu’il y a cinq doigts dans ta seconde main ? Lili lève la tête, me considère incrédule, hésite, regarde successivement son pied gauche et son pied droit, soigneusement, Lili est prise de vertige, hésite encore, se penche, résiste, le temps passe. Lili sourit enfin, elle ne fera pas le pas suivant : c’est fait, Lili sait compter mais Lili ne sera pas contorsionniste.

Jean Prod’hom
5 juillet 2010

ORL



Oto-rhino-laryngologie, une spécialité à laquelle la profession de son grand-père d’abord, de son père ensuite le destinait. Mais cette appellation lui est restée tant de fois au travers de la gorge, l’a fait éternuer si souvent, lui a tant blessé l’oreille qu’il a été obligé de consulter.

Jean-Rémy renifle par petits coups brefs et réguliers, il essaie de ne rien perdre.
– 807 ! soupire-t-il satisfait avant de s'endormir.

Hier soir, la vieille a oublié de verser dans la coupelle de porcelaine la goutte d’essence de marjolaine qui, depuis cinquante ans, tient en respect les ronflements du vieux. On les a retrouvés morts ce matin, dans les combles, écrasés par la charpente de leur maison.


Jean Prod’hom

27 juin 2010

Paternité architecturale



Il existait une controverse sur le nom de l’architecte responsable de la construction de la célèbre tour penchée à Pise : Bonanno Pisano ? Giovanni di Simone ? Fabio Lante ? Alberto Rigoletto ?

Le procès-verbal d’une réunion de chantier, qui eut lieu en 1178 sur le Campo dei Miracoli, trouvé il y a peu dans les sous-sols du Campo Santo, redresse la vérité. On a en effet la preuve écrite que l’architecte responsable – dont le nom a été consciencieusement gommé –, aurait confié à son contremaître les mots suivants.
– Je t’avais dit 708, pas 807,... mais on continue, ça devrait tenir.

Aucun architecte n’a revendiqué, au cours des années qui suivirent, la construction du campanile devenu simultanément boiteux et orphelin. Ceci explique cela.

Jean Prod’hom
17 juin 2010

Effet collatéral



Grande fête samedi passé au coeur du Jardin Pixel, sur la délicate pelouse qui ceint la fosse à bitume, organisée par les Éditions du Transat à l’occasion de la parution des 807 dans sa collection bleue.

Agathe, Cornaline, Lili, Lou et les autres, les garçons aussi, les papas, les mamans, les amis, les amis des amis, tous étaient présents, 807 au total à l’ombre des tilleuls.

Quant à moi, en apercevant le nombre 807 tracé à l’encre bleue sur la face externe de la cuisse de l’un des agneaux que les amis Franck et Joachim préparaient, je pris conscience que toute entreprise littéraire avait ses limites et que plus rien ne serait jamais tout à fait comme avant.

Jean Prod’hom
8 juin 2010

Les chemins de la création



Alors que je me promenais dans un quartier de l'ouest de la Roche-sur-Yon, j'aperçus derrière un treillis un homme qui faisait les cent pas. Je le reconnus d’emblée, c'était une des étoiles montantes de notre littérature. La propriété était charmante, tuyas et mimosas chatouillaient le muret de clôture. Plus loin sous une tonnelle un groupe d'amis faisaient bombance. Était-ce sa propriété ? je ne le crois pas, qu'importe d'ailleurs. Heureux de l'aubaine je me cachai derrière un vieux hangar et observai discrètement les faits et gestes de celui qui, à coup sûr, sera demain l'égal des immortels.

Soudain il s’allongea, posa un coude à même la pelouse grasse – elle aurait mérité, je dois le dire, d'une sérieuse tonte – qu'il scruta avec une profonde attention, comme saisi par une inspiration divine. Le poète avait visiblement pêché un gros. Je le vis alors de mes yeux s'avancer sur le sentier de la création, avec un soin et à un rythme qu'il semblait dicter aux brins d’herbe eux-mêmes qu'il écartait un à un. Trop éloigné pourtant, je ne pus accéder à la vraie source de la création, à son allure, à sa couleur, à son chiffre qu'il semblait murmurer du bout des lèvres. Malheureux je dus me satisfaire du compte des brins d'herbe qu'il pinçait délicatement. En vérité il en compta 807 exactement avant de se relever comme effrayé par un abîme. Il commit un petit hennissement avant de s’éloigner et rejoindre les amis qui l’attendaient.

J’aurais donné cher, très cher pour connaître le détail d'une aventure spirituelle qui avait certainement mené ce demi-dieu à partager le repas des dieux.

Jean Prod’hom
31 mai 2010

Derniers instants



Hier soir, il avait dû compter 807 moutons avant de s’endormir. Ce matin il a beau chercher, dans tous les coins des verts pâturages et près des eaux paisibles. Il en manque un. Il appelle, appelle, appelle, appelle...

Quand tu seras mort, je serai où ? demande Lili.

Tout se joue en définitive à un rien : tu meurs de bonne humeur, en prenant le temps, sous un beau soleil de printemps, et l’éternité devient un enchantement ; tu meurs dans la précipitation, un soir d’arrière-automne pluvieux, alors que tu ne te souviens pas si tu as fermé la porte du poulailler, et l’éternité devient un véritable cauchemar.

Jean Prod’hom
23 mai 2010

Ligatures



Un être humain sans ombilic, c’est évidemment inconcevable ! Mais j’avoue qu’il m’est plus difficile encore d’imaginer que ma mère ait pu en posséder un avant ma naissance. Pensez donc. À moins d’admettre, évidemment, qu’elle ait donné naissance à un autre moi avant moi.

Quatre girafons et un lama, des tigres et des tigrons, deux pandas et leurs petits, une coccinelle et un yéti, oursons, loups, chiens et chats,... 807 peluches. Trop c’est trop. Mais qui les nourrira petite Lili ? Viens vite, prends avec toi Jeannot Lapin et Antilopa. Assieds-toi là, près de moi. Il est temps, je crois, de t’enseigner comment castrer un lapin papillon et ligaturer les trompes d’une gazelle de la reine de Saba.

Jean-Rémy en avait rêvé depuis toujours, être chez lui, vraiment chez lui et ne rien devoir à personne. Sitôt qu’il le put, il acheta une petite maison dont il condamna aussitôt les ouvertures, il fit dresser des palissades tout autour du jardin, il renonça enfin au téléphone, à l’électricité, à l’eau, bien trop intrusifs.
Mais ce matin Jean-Rémy souffre, un couteau sur le ventre. Lui reste la plus délicate opération : se débarrasser de ce que sa mère lui a laissé, un petit morceau de chair, cet ombilic qui ne lui appartient pas.

Jean Prod’hom
13 avril 2010

Etoile filante



Une triplette habitée par le nombre d'or, sur laquelle le poète s’était penché des années durant, une triplette du tonnerre de dieu, élancée, 807 au garrot, une triplette sans tenon ni mortaise, inimitable bijou, de jade et d'or, une triplette solide comme le Mönch, l'Eiger et la Jungfrau, liquide comme les Trois-Lacs, aérienne comme un long courrier.

Le poète la confia au maître d'oeuvre, qui la refusa. Pas dans la ligne, disait-il, pas dans la ligne. Mais dans la ligne de quoi, la ligne de quoi, pour qui se prenait-il cet aiguilleur du ciel, pour qui se prenait-il, pour qui ?

Gilooly retrouva le divin objet au milieu d’une poignée d’autres triplettes refusées, mêlées à des feuillets du Cantique des Cantiques et du livre de Job, dans la carlingue d’un long-courrier qui avait piqué du nez dans le sable de Choir. On connaît la suite.

Jean Prod’hom
16 mai 2010

Les hommes et les dieux



Les aspirations des hommes
sont au diapason de celles des dieux


les dignitaires confièrent à des logiciens le soin
de déduire de ce principe l’ensemble des théorèmes
d'en calculer la puissance
d'en forclore les contradictions
d’en garantir la complétude

on confia à un groupe d'aventuriers
la tâche d’inventorier les aspirations des dieux
et d’habiles architectes conçurent le dispositif
qui devait permettre l’accès au ciel

malgré les tribulations des maîtres d’oeuvre
les travaux furent poursuivis
on y associa les populations voisines
plus ou moins volontairement
elles amenèrent les matériaux
se chargèrent du transport de la chaux
de la taille des pierres
on prit des sanctions contre les récalcitrants

on avait le sentiment que c'était la même chose
mais on espérait pourtant qu'il allait en être autrement
cette fois
on a beau dire mais les saisons reviennent

c'est ainsi que s'élevèrent trois rampes d'escaliers tressées
pierres de granite aux joints de sable mélangé à de la chaux
ces trois rampes devaient compter chacune un total de 269 marches
égal au nombre de jours de paix de l'année
moins les 9 jours maudits du bout de l'an
c'est-à-dire qu'ensemble la triple rampe avait 807 marches

l'oeuvre fut inaugurée au printemps de la troisième année
dura un printemps avant de s'effondrer

elle dure pourtant encore dans l'esprit des rêveurs
ils montent la nuit sur la plate-forme
d'où ils planifient la construction
d'une nouvelle triple rampe
qui devrait les conduire un jour
dans les étages intermédiaires du ciel
on peut se demander si tout cela a un sens

mais le peuple est fier et craint par-dessus tout le principe du déclin

Jean Prod’hom

Moineaux



On entend ce matin 807 moineaux qui piaillent sans discontinuer, puis le cri lugubre d'un seul corbeau. Non ! C'est Jean-Rémy qui se racle la gorge.

Le chant rauque du coq, le cri lugubre du corbeau et huit cent sept moineaux qui nichent dans la tête vide de Jean-Rémy.

Jean Prod’hom
9 août | 22 août 2009

Et pis



– La décision d'interrompre le compte des brins d'herbe d'une pelouse après le 807e brin ne relève pas du hasard mais d'une secrète nécessité – de quelque nature que soit cette pelouse – cachée dans la série infinie des décimales de pi. Voici.
3,14159265358979323846264338327950288419716939937510582097494459
230781640628620899862803482534211706798214808651328230664709384
460955058223172535940812848111745028410270193852110555964462294
895493038196442881097566593344612847564823378678316527120190914
564856692346034861045432664821339360726024914127372458700660631
558817488152092096282925409171536436789259036001133053054882046
652138414695194151160943305727036575959195309218611738193261179
310511854... 807 !
– Mon Dieu !

Jean Prod’hom
16 novembre 2009

Gueule de bois



C’était le temps où ça y allait, le temps des Chevillard-Camaro, des Peugeot 807, des Nisard-Gloria et des Toyota Prius, des liseuses et des nuisettes, des pokes et du pacs. Je peux vous l’assurer, ça roulait et on ne se faisait pas de cadeaux. D'ailleurs les uns ont fini dans la fosse à bitume, les autres contre le mur.

La baronne de Rothschild avait prédit, sur un plateau, l’avenir du révolu. On aurait dû la croire.

Quant aux visionnaires, dopés par leur statut et la promesse du succès, ils en avaient pris plein les dents, et avec eux leurs courtisans. C'était pas net, on écouta les justifications contrites des premiers, on assista à la débandade des seconds. On para au plus pressé et on recommença, on en est là.

Jean Prod’hom
27 mars 2010

Anniversaire



Il faut qu'aujourd’hui encore je m'y colle puisqu’il ne s’est trouvé dans le zinc du 807 aucune âme assez généreuse pour me rédiger une triplette assez ronflante le jour de mon anniversaire.

On aurait pris conscience à cette occasion de ce qui distingue les essais disgracieux de 807 nains du geste tranchant d’un géant.

Quoi qu’il en soit, avoir disposé sans bourse délier de 807 nègres, dociles et besogneux, qui auront oeuvré 807 jours durant à l'établissement définitif de votre renommée, n'est-ce pas là le signe avant-coureur du génie ? Faut-il les en remercier ? 807 fois ?

Jean Prod’hom
18 juin 2009

A Bertrand Russell



« Les 807 » est le brin que tu as choisi pour réunir les 807 brins de ton entreprise. C'est dire qu'elle va échouer. Fais tes comptes Garot. Tu ne t'es pas arrêté à temps, tu as péché par arrogance, tu ne connais pas le monde, tu auras beau reprendre le décompte. Mais où en étais-tu Nemrod ? Impossible de te le rappeler. Tu vas donc repartir du premier. Parvenu à 808, désespéré, tu t'arrêteras. La pelouse est vaste encore : 809, 810, 811...

Jean Prod’hom
14 novembre 2009

Trop c'était trop



Si Gérard Genette admire « le nombre d'ensembles où l'on dénombre trois-cent soixante-cinq items dès qu'on a un peu de mal à les compter, en trichant toujours un peu : les fromages français, les îles de l'archipel de Chausey à marée basse, les châteaux du Bordelais, les pièces et les horloges de l'Elysée, les romans de Simenon, les députés de la droite élus en 2002, les voitures brûlées en banlieue par semaine... » et conclut que « ce nombre symbolique, clairement calqué sur celui, plus sûr, des jours de l'année non bissextile, signifie simplement, et avec tout le flou figural qui convient : beaucoup », j'ose aujourd'hui espérer que huit cent sept précédera bientôt les items de tout ensemble incomplet – y compris l'ensemble inachevé des huit cent sept – et signifiera in fine, avec le même flou figural qui convient : trop c'était trop.

L'entreprise engagée par Franck Garot et ses amis sur ce site se doit donc de ne pas aboutir pour réussir, c'est le prix. Elle doit s'interrompre impérativement avant le huit cent septième huit cent sept, j'y veillerai.

Et pour donner l'exemple : pas de huit cent sept aujourd'hui.

Jean Prod’hom
22 septembre 2009

Gros pépin et petits emmerds



À entendre tous les jeudis soir le récit des 708 ou 807 petites souffrances que s'échangent les habitués du Liseron, j'en viens à me demander si un gros pépin autour duquel graviterait toute une vie ne vaudrait pas mieux que le chapelet des petits emmerds qui la rongent morceau par morceau.

Jean Prod’hom
16 juin 2009

Où sont les pigeons?



Si la sagesse populaire nous rappelle qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, Mao Tsé-toung nous a également enseigné que 807 hirondelles peuvent aisément, si elles se donnent le mot, inverser la ronde des saisons.

Depuis que la nouvelle loi sur la protection des animaux est entrée en vigueur, plus moyen de joindre par téléphone le vétérinaire ou le marchand de volailles, le réseau est saturé : poules, oies, poulets, canards, dindons, tous téléphonent à leur avocat.

Le chardonneret dans les mains du souverain, l'ancolie et le lys aux pieds des rois-mages, et pour nous le chemin boueux.

Jean Prod’hom
20 mars 2010

Memento mori



Ne pas mourir n’offrirait qu’un avant-goût assez quelconque de l’éternité. Pour y goûter pleinement, il faudrait non seulement ne pas mourir, mais encore ne pas être né. Et ça, c’est pas à la portée de n'importe qui.

Jean-Rémy, militant actif d’Economie et propreté, a exigé de son entourage que le parti puisse disposer un jour de ses cendres pour confectionner un savon. Je voudrais de mon côté qu’on me cède celui-ci, un seul instant, pour effacer soigneusement les traces de son passage.

Une paire de ciseaux et un noeud en huit pour le séparer de sa mère, un harnais en collier sur lequel il aura tiré toute sa vie, la faux oubliée qui l’attend au bout du chemin.

Jean Prod’hom
4 avril 2010

Pâques



Nul ne sait pourquoi, mais on se mit à parler cette année-là d’un inconnu, l’inconnu de la concession 807 du cimetière de La Roche-sur-Yon. Un article à son sujet parut dans le journal local, puis un second, d’autres ensuite qui se multiplièrent. Rien dans sa vie minuscule ne prédisposait pourtant cet homme à une telle gloire posthume. Mais ce n’est pas tout, cette même année on évoqua la vie d’un autre inconnu, enseveli dans le cimetière de Cholet, concession 807 encore. Puis ce fut au tour de Niort, Nantes, La Rochelle... et ainsi de suite. Les plumes les plus avisées joignirent leurs voix à ce concert de louanges posthumes. De proche en proche une foule immense se leva, qui peupla les allées des pelouse grasses et satisfaites de la littérature.


Sous un parapluie, Margot et le croque-mort de Sète, enlacés sur un banc public.


Il avait tant neigé que tout le monde était resté à la maison, et dans le cimetière du village le souvenir des morts avait disparu sous une épaisse couche de neige. Je me trouvai décidément bien seul au milieu de toute cette éternité.

Jean Prod’hom
6 mars 2010

Jour de fête



Accoudés au zinc du café du Cygne, Jean-Rémy et ses amis font une partie de 421 en pataugeant dans le vin blanc.
– Lorsque l’un d’entre vous aura obtenu 807, j’offre la tournée.
Ils retroussent leurs manches et se mettent à l’ouvrage. Je repasse en fin d’après-midi, ils ont dessaoulé et le visage des morts.
– T’as pas plus simple !

« Se dépasser, se dépasser, se dépasser... » murmure tristement le cheval blanc du manège sur la place du village.

Les moineaux jouaient à cliclimouchette tandis que derrière le battoir un jeune homme aux idées noires fourbissait ses armes.

Jean Prod’hom
25 février 2010

Veillée



Lourde insomnie cette nuit malgré l’application consciencieuse des techniques mises au point par Ravel. À minuit pourtant le sommeil avait pointé son nez, mais l’air du boléro a joué des coudes et le sommeil a foutu le camp.


- Je me demande bien si j’ai dormi cette nuit.
- Mais enfin ma Lili, tu as dormi comme tout le monde, n'est-ce pas ?
- Je sais pas, je ne me suis pas réveillée une seule fois.


Jorge Luis Borges ferme les yeux et il voit un troupeau de moutons. La vision dure une seconde, peut-être moins. Leur nombre était-il ou non défini ? Le problème enveloppe celui de l’existence de Dieu. Si Dieu existe, le nombre est défini, car Dieu sait combien de moutons il a vus. Si Dieu n’existe pas, le nombre n’est pas défini, car personne n’a pu en faire le compte. Dans ce cas, il a vu un nombre de moutons, disons inférieur à 810 et supérieur à 805, mais il n'a pas vu 806, 807, 808 ni 809 moutons. Il en a vu un nombre compris entre 810 et 805, qui n’est ni 809, ni 808, ni 807, ni 806, ni 805,... Jorge Luis Borges s’est endormi le 14 juin 1986 à Genève.

Jean Prod’hom
18 février 2010

L’un dans l’autre



On dit du hasard qu’il est la rencontre de deux chaînes causales. Voici donc le hasard auquel nous sommes tous assujettis, voici le maillon à double appartenance, à double valeur, le chiffre, le nombre : 807. Vicaire il est d’ici et de là-bas : là-bas le huit cent septième brelan d’as du maître, ici ce même brelan rapporté, premier des trois brins d’une poignée qui tient à peine dans le creux d’une main pleine.


« Et quoique l'eau interceptée entre les poissons de l'étang ne soit point plante ni poisson, ils en contiennent pourtant encore. » Cette proposition de la Monadologie placée en tête d’une invitation de la Société de philosophie a mis en colère les membres de l’Association romande des pêcheurs professionnels. Décidément de qui se moque-t-on ?


Lili trouve que c’est vraiment une grande chance qu’elle soit née le jour de son anniversaire.

Jean Prod’hom
11 février 2010

Abandon



Peut-on sincèrement se réjouir du talent de celui qui est parvenu, sans qu’on le lui demande, à ne pas faire usage de la lettre e dans un récit de près de 300 pages, sans simultanément porter aux nues celui qui réussit à l’instant à ne pas mentionner le nombre 807 dans un exercice qui l’exige ? Je vous le demande, sincèrement ?


Il est cruel de songer qu’à l’instant de notre naissance il n’y avait aucune place de prévue pour nous sur terre, qu’il a fallu nous battre pour obtenir ce qui en tient lieu, et de nous entendre dire avant que nous disparaissions à tout jamais qu’on laissera une place vide dans le cœur de ceux qui nous survivent, une place que rien ne saurait combler. À quoi donc bon dieu aura-t-on servi ?


Lili joue jusqu’à la nuit à cache-cache avec son ombre. Je l’entends pleurer au fond du jardin.
– Mais la partie est finie, reviens, reviens.

Jean Prod’hom
3 février 2010

Rapport aux bêtes



Les archives en témoignent : le taupier de Pra Massin a pris 807 taupes au mois de mai 1919. Vendues deux sous, elles étaient destinées à habiller les dames de la ville qui manquaient de tout. On a fêté le taupier. Soit. Mais n’est-il pas excessif qu’on m’envoie aujourd’hui devant le juge pour avoir piégé la taupe qui a retourné ma pelouse l’été dernier, et avec la peau de laquelle j’ai confectionné un joli porte-monnaie pour Lili ?

C’est par respect des bêtes que Jean-Rémy se sent obligé de parler à ses deux chiens comme s’ils étaient la chair de sa chair. Et c’est, je crois, pour obéir au principe de réciprocité qu’il aboie contre mes enfants chaque fois qu’il les voit.

La femme du médecin regrettait parfois de ne pas avoir épousé un vétérinaire.

Jean Prod’hom
28 janvier 2010

Effet de serre



Ce que je ramène de ma résidence 2009 à Copenhague ? Un long poème de 807 vers, isolés par un vide sanitaire qui tiendra éternellement leur cœur au chaud.

C’est un homme engagé, et pour diminuer de moitié ses rejets de CO2 pendant la journée, Jean-Rémy respire une fois sur deux. En contrepartie il s’hyperventile tout au long de la nuit pour nourrir ses cactus et son gommier.

Surpris par la fonte des neiges le ruisseau coule la tête hors de l’eau.

Jean Prod’hom
23 janvier 2010

4X4



L'idée l'emballe, pas l'idée de l'adultère car c'est un homme à principes, mais rejoindre la chambre 807 du Lausanne-Palace, où l'attendrait sa maîtresse, en 4x4, ça aurait quand même une sacrée allure.

Jean Prod’hom
18 avril 2009

Stamm



L’imagination n’étouffe pas nos Jean-Baptiste de banlieue, il y a le théâtre 11 à Lausanne, le théâtre 12 avenue Maurice Ravel, le ciné 13 à Montmartre, le restaurant le 15 rue Roger, et j’en passe. À quand donc le zinc du 807 ?

Jean Prod’hom
8 juin 2009

Ombre du progrès



Les généticiens nous promettent chaque jour un peu plus d'éternité. Soit ! Mais faudra-t-il aussi qu'à 105 ans je fasse un môme, que je l'appelle Enosh et que je me charge de son éducation jusqu'à 807 ans ?

Jean Prod’hom
31 mai 2009

Gros pépin



À entendre tous les jeudis soir le récit des 708 ou 807 petites souffrances que s'échangent les habitués du Liseron, j'en viens à me demander si un gros pépin autour duquel graviterait toute une vie ne vaudrait pas mieux que le chapelet des petits emmerds qui la rongent morceau par morceau.

Jean Prod’hom
16 juin 2009

Fraternité



Bonne nouvelle, nous sommes tous des Mormons ! Un généalogiste des bords du Grand Lac Salé a en effet calculé qu'il suffit de remonter 807 générations pour que chacun d’entre nous retrouve l’ancêtre qu’il partage avec l’un ou l’autre des illuminés de Salt Lake City.

Jean Prod’hom
20 mai 2009

Pauvreté



Il ne lui restait plus qu'à brûler les 800 lames de son parquet, l'œil de boeuf et les 7 poutres de la charpente de sa maison. Mais par quoi commencer ? Le vieil Armand a hésité trop longtemps, il est mort de froid dans la nuit de mercredi à jeudi, pauvre et solitaire, à la lisière du bois Vuacoz.

Jean Prod’hom
16 juin 2009

Et pis après?



L’imagination n’étouffe pas nos Jean-Baptiste de banlieue, il y a le théâtre 11 à Lausanne, le théâtre 12 avenue Maurice Ravel, le ciné 13 à Montmartre, le restaurant le 15 rue Roger, et j’en passe. À quand donc le zinc du 807?

Jean Prod’hom
8 juin 2009

Arrière-pensée



Je pense à cette petite fille dont j'ai écrasé les doigts il y a exactement une semaine en refermant la porte du Liseron. Immobile sur le seuil, je décide de compter jusque à 807 pour conjurer le sort. Pourvu qu'elle n'aboie pas !

Jean Prod’hom

Anniversaire



Il faut qu'aujourd’hui encore je m'y colle puisqu’il ne s’est trouvé dans le zinc du 807 aucune âme assez généreuse pour me rédiger une triplette assez ronflante le jour de mon anniversaire.

On aurait pris conscience à cette occasion de ce qui distingue les essais disgracieux de 807 nains du geste tranchant d’un géant.

Quoi qu’il en soit, avoir disposé sans bourse délier de 807 nègres, dociles et besogneux, qui auront oeuvré 807 jours durant à l'établissement définitif de votre renommée, n'est-ce pas là le signe avant-coureur du génie ? Faut-il les en remercier ? 807 fois ?

Jean Prod’hom
18 juin 2009

Classieux



Le client classieux auquel la péripatéticienne avait fait sa proposition hésita, effrayé par la lourdeur de l’expression. Lorsque la professionnelle craignant de perdre un riche client lui proposa un 807, il s’enfuit, effrayé par la lourdeur du dispositif.

Jean Prod’hom
2 avril 2009

L'arche de Noé



Les 805 invités dormaient déjà dans les soutes. Se pointèrent alors deux escargots exténués. Manquait le 807ème et dernier couple. Noé patienta une paire d'heures, puis appareilla. À la poupe de l'arche, deux carpes battaient des mains.

Jean Prod’hom
27 mars 2010

Ente terre et ciel



Dieu pria son fils de s'asseoir à mi-chemin, sur le 807e degré de l'échelle de Jacob, histoire de faire un peu de tirage. Comme chacun le sait, le fils refusa.

Jean Prod’hom
5 mars 2009

Ressentiment



Je n’y crois pas d'abord, mais ce sont bel et bien des moutons, des moutons à l’œil vengeur. Ils défilent là, devant moi, à la queue leu leu et me jettent un regard noir. Ils s'immobilisent un peu plus loin prêts au combat. Je tremble, j’en compte 807. À l’instant même où ils lancent leur charge, je me réveille en nage.

Jean Prod’hom
2 mars 2009

Mille-pattes



Un naturaliste a fait la découverte d’un étrange mille-pattes. La communauté des savants est partagée. Je le dis tout net, un mille-pattes de 808 ou de 806 pattes passe encore, mais de 807, ça jamais !

Jean Prod’hom
18 février 2009

Joe Brainard



"Je me souviens d'avoir projeté de déchirer la page 48 de tous les livres que j'emprunterais à la bibliothèque publique de Boston mais de m'en être vite lassé." écrit Joe Brainard dans I Remember. Il aurait gagné en persévérance en portant son choix sur la page 807.

Jean Prod’hom
15 février 2009

Moutons

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Exaspéré par cette sotte recommandation, il vitupéra après le passage de 807 moutons, tira son édredon et s’endormit.

Jean Prod’hom
1 février 2011