Jeudi à Naples

ange-volant

Six étages plus bas, au pied du Palazzo di Domenico Barbaja coiffé d’innombrables petites terrasses qu'on rejoint par d’étranges labyrinthes, on aperçoit la via Toledo et la station du funiculaire centrale qui dépose ses usagers à deux pas de la place Vanvitelli. La Certosa de San Martino se dresse tout en-haut parmi les antennes de télévision et les citronniers, le ciel est bleu.
On a traversé ce matin la verrière de la Galleria Umberto, j’ai bu un café au Gambrinus, longue marche ensuite sur le damier de lave noire des quartieri spagnoli dans lesquels dominent le bruit et la ferveur. C’est le grand tambour, on distingue un peu de stupeur dans les yeux des enfants qui sortent leur appareil de photos, tout mérite qu’on s’y attarde, on s’arrête, on repart, les scooters, les têtes qui dépassent des box au rez des vicoli, les autels nichés dans le tuf, les activités secrètes, les tags, les petits commerces, bouchers, tripiers, mais aussi les conciliabules, les cris, les enfants, les vieux. Le regard flotte et rejoint de lessive en lessive les rampes d’escaliers qui montent au flanc du Vomero.
On se balade en bras de chemise, le soleil a fait halte pour la premier fois cette années, nous dit-on, on prend du bon temps dans une trattoria du vico Teatro Nuovo.
Fin d’après-midi sur l’autre rive de la via Toledo, babioles, pâtes et débrouille, autant d'églises que de locatifs, vivantes, fermées ou recyclées en galerie d'art ou en salle de théâtre. Boutique obscure au fond d'une impasse, un vieil artisan passe en rouge la robe de san Stefano, ils sont deux, même blouse, même air de famille, le second assis regarde le premier qui travaille.
On trouve un banc public libre sur la Piazza San Gaetano, à l'angle de la Via dei Tribunali et de la Via San Gregorio Armeno. Le spectacle est partout, la vie plutôt, les gamins du quartier jouent au foot au pied de l’église de San Paolo Maggiore qui s’appuie sur deux anciennes colonnes du temple des Dioscures, à Naples c’est le mélange qui fait tenir les choses ensemble, la pauvreté proverbiale de la ville emprunte pourtant les habits de l'opulence, les gamins sont dodus. Ils se déplacent comme des pigeons autour des présentoirs dressés à la va-vite par les nouveaux arrivants. Les enfants sont des rois, quant aux miséreux ils inventent des solutions, finalement une paire de cannes suffit pour deux boîteux.
Il est 8 heures, la ville clignote, les bruits s’éloignent, les trattoria ouvrent leur porte, de temps en temps une sirène. Je descends à pied les six étages du Palazzo di Domenico Barbaja que je remonte bientôt avec deux pizzas de chez Mimi.

Jean Prod’hom


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