Faire voir l’île derrière l’île



Le poème maintient hors de lui ce qu’il a en vue, le repousse au large lorsqu’il croit le toucher, c’est ainsi qu’il l’accueille. Il a, on le devine, des affinités secrètes avec la théologie négative, mais son tracé s’interdit toute négation quand bien même il en use parfois. Il s’écrit dans la nuit qu’il grave les yeux grand ouverts.
Sa tâche se révèle impossible, c’est pour cela qu’il se satisfait si souvent de la brièveté qui abandonne l’évidence, trop à l’étroit, sur son chemin d’erre. C’est dire que le poème ne touche à rien : il a les mailles si larges qu’il laisse tout passer, et s’il faut recommencer, il recommence parce qu’il lui appartient de faire voir l’île derrière l’île.

Jean Prod’hom