Upcycling

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Cher Pierre,
Le moteur de la soufflerie gronde, les cerveaux se recroquevillent ; longue plainte dans la boulangerie et au café de la Bourgade. Ils sont nombreux à jouer au tiercé ou à l’euro-million, à rêver d’un pays sans mistral ni meltem ; les roseaux penchent, les platanes secouent la tête. Une vieille femme portugaise, établie en France depuis plus de trente ans, m’assure qu’il n’existe pas de mot dans sa langue pour traduire l’écorne-boeuf qu’on appelle mistral ici.

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Christine discute avec un poète de Chantemerle et ses amis lorsque j’entre dans la galerie. Nicolas et sa femme font une halte, ils remontent d’Avignon.
C’est au tour d’une vieille dame à l’ensemble bordeaux, béret blanc, de nous rendre visite ; une Parisienne alerte et souriante que l’âge a cassée, établie à Grignan depuis trente ans déjà ; visiblement une habituée de la galerie, courbée et penchée sur les casses. Elle me raconte un épisode de ses douze ans ; son père, un peintre, excellent paysagiste et portraitiste, caricaturiste aussi, l’avait emmenée avec une de ses camarades dans les Vosges. Les deux petites s’étaient mises à racler la terre et gratter les sous-bois au sommet du Hohneck à la recherche d’un trésor. Et comme leur quête tendait à s’éterniser, le peintre les avait sévèrement grondées, excédé de ne pas les voir lever les yeux vers le ciel, les Vosges et s’émerveiller en contrebas du lac de Gerardmer. Elle le remercie, aujourd’hui encore, d’une réprimande qui lui a ouvert les yeux.
Mais les pierres sur lesquelles elle se penche à l’instant lui font douter de la vérité des mots de son père, la convainquent qu’il a été bien trop sévère autrefois. A la voir qui s’éloigne à petits pas serrés, les yeux rivés aux beaux pavés de la rue Saint-Louis, je ne peux m’empêcher de penser que ces pierres semi-pécieuses ont été façonnées par la mer pour les enfants et les vieux.
Christine m’envoie un message, elle a besoin de se reposer et me confie sa galerie. Lily passe à 15 heures avec milord son chien, on bavasse, comme disait Hessel, de rien mais aussi de tout, pendant deux bonnes heures, de ses réalisations à la RTS, des longues marches qu’ils faisaient tous les deux avec leurs amis, de nos connaissances communes.
Fin de journée et soirée à Colonzelle, on a bouclé les comptes, le rouge ne nous fait pas peur. Il nous reste des boîtes en pagaille, on fait la fête, Lucie et Sandra voient là l’occasion de se lancer dans l’upcycling. Rendez-vous à Mézières début octobre.

Jean Prod’hom


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