Réveil tardif



Réveil tardif, taquiné par les courbatures qui me donnent rendez-vous le matin, elles s'installent chaque année davantage, toujours plus décidées, en voilà qui ne me quitteront plus. On finit par s'y faire, c'est ainsi qu'on repousse la conscience du vieillissement.
Ciel bleu sur l'écran des combles. Arthur descend à vélo à Ropraz pour 10 heures, Lili et Louise jouent après avoir épuisé le temps mis à leur disposition hebdomadairement pour jouer avec leur machine numérique. Lili invoque sa méconnaissance des heures pour expliquer son dépassement. Elles jouent ensuite les mains vides avec presque rien. Je vais de mon côté arracher les couenneaux qui délimitent le jardin potager, trop grand désormais : on ne gardera que la serre et le châssis de bois à couvertures de verre que nous a fournies Michel il y a quelques années. Ça c'est dehors, dedans un peu de tristesse traîne, née d'une ou deux choses qui n'ont pas été dites, ou qui ont été oubliées.
Dans l'après-midi, Sandra va faire des courses à Epalinges tandis que je vais me trouver un fauteuil qui devrait remplacer avantageusement celui qui traînait dans les caves du collège et que m'avaient remis les concierges. Il y a du soleil jusqu'Aubonne, les filets sont encore enroulés au-dessus des rangées des arbres fruitiers. Ils remplacent les corbeaux que les maraîchers clouaient autrefois sur des montants de bois.
Traverse Interio sans m'arrêter, personne pour me faire l'article, me convaincre dans un domaine où je me sais incapable de choisir. Passe de l'autre côté, chez Pfister, pique sur une dame bien mise qui me conduit devant le fauteuil qu'il me faut lorsque je lui dis mon mal de dos. Je suis un client facile, j'achète, elle m'offre un café et un verre d'eau, que je vide assis sur la bécane que je ne vais que peu quitter dans les années qui viennent, je fais le derviche, tire les manettes. Deviens par cet achat également l'heureux possesseur de la carte de fidélité, 3% de remise, à la condition que je lui communique mon lieu d'origine, mon âge, mon revenu. Lui demande s'il s'agit de mon revenu brut, net, ou après déduction. C'est égal, c'est comme je le désire. Quel monde étrange ! La donzelle m'entraîne à la caisse, me serre la main en me félicitant de l'achat dont ma colonne vertébrale peut se réjouir : la carte épinglée sur sa poitrine m'apprend que j'ai eu la chance de traiter avec Madame Lombaire. Passe à l'arrière du bâtiment charger mon fauteuil.
M'arrête au retour chez un fleuriste établi dans un vieux garage abandonné, petite âme au milieu des grandes surfaces qui occupent la zone comprise entre Morges et Aubonne. Emporte une azalée rouge passion pour me faire pardonner mes oublis, mes lenteurs, ma paresse,... M'arrête sur la terrasse du restaurant de la Plage de Préverenges où je note ces quelque mots avant de lire les premières pages du Goût de l'éternel d'Henri Thomas.
Au retour, m'assieds sur la bête, pas longtemps, il me faut passer à la déchèterie et déposer mes bulletins de vote dans la boîte aux lettres de l'administration communale.
Fais à manger pendant que Sandra se repose. A 19 heures Arthur part à Vulliens pour une boum. je vais le rechercher à 23 heures. A la lisière des bois, les fermes foraines sont éclairées comme des châteaux.

Jean