Il pleut rue des Commerçants

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Cher Pierre,
Edouard et Françoise font quelques achats à Nyons, je les lâche place Joseph Buffaven ; j’apprends qu’il s’agit d’un coiffeur de Nyons, déporté le 22 mars 1944 de Compiègne, arrivé le 25 mars à Mauthausen et mort le 6 septembre 1944 dans le centre d’extermination du château de Hartheim.

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Je m’installe sur la terrasse du Miss Maple devant le marché aux légumes. Tous les touristes de la région se sont donné rendez-vous, le soleil tatoue des feuilles d’érables sur leur visage, leurs bras, leur dos nus ; ils tiennent tous leur rôle à la perfection, sans effort, des amateurs formés à l’école de la rue et des illustrés, princes, acteurs et politiques en vacances dont ils offrent des variantes criantes de vérité ; la costumière n’a pas eu, pour les habiller, à puiser ailleurs qu’aux étals de la place de la Libération, plus bas, là où trône l’office de tourisme.
Un vrai théâtre, épopée et dialogue d’aujourd’hui, prix des légumes et des fruits, rendez-vous pour le soir, recette du pâté, oeufs cassés. Monsieur Hulot est entouré de ses amis, pipe au bec, ravi d’être enfin écouté ; un grand cow-boy dégingandé, visage pâle au-dessus de la foule, recherche paniqué le cheval qui l’a désarçonné ; foule, figurants à casquette, marchands de bétail, joueurs de base-ball, candidats recalés, chapeaux neufs, chapeaux vieux, tous dansent un ballet selon un scénario que personne n’aurait osé imaginer ; Charles Trénet donne la main à une Juliette Greco fanée, les suit une paire de boiteux, Richard Gere achète des oignons à un repris de justice, John Frazer fend la foule.
Je reçois un mot de Sandra :
Les filles sont à Thierrens, Arthur chez Yohan, D. fait mille aller-retours à moto sur le chemin pour apprendre à conduire, N. m'a amené son baume du tigre contre le mal de tête, il fait chaud, Oscar gobe les mouches qui nous agacent.  Ce soir on mangera la moussaka que Marinette m'a amenée tout à l'heure, on arrosera s'il ne pleut toujours pas et on regardera « L’homme qui murmure à l'oreille des chevaux », enfin Arthur peut-être pas.  Le jardin et le silence sont magnifiques. 
On rentre par Vinsobres et Valréas, le ciel se couvre, le ciel gronde, très loin. Colonzelle se laisse faire, il pleut, il pleut large, très large, on aimerait que ça dure. Le bruit de la trotteuse d’une montre-bracelet se mêle à celui de l’averse, sur les tuiles du toit et les feuilles du tilleul, sur le bitume du haut des génoises sans chéneau.

Jean Prod’hom


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