(FP) Le désert des pintes

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Cher Pierre,
Sandra, Louise et Lili nous ont faussé compagnie, réunion de sportifs à Orbe. Alors ce soir, nous sommes allés manger aux Trois-Suisses, le mousse et moi. Un père et son fils, ensemble, ce n’est pas tous les jours, c’est même à chaque fois une nouvelle énigme, la découverte d’un nouvel état d’esprit, déroutant, avec des questions auxquelles le cadet aura à répondre et le sentiment, du côté de l’aîné, qu’il n’aurait pu en aller autrement. A lui le monde qui se lève, à moi celui qui s’éteint.

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Depuis une année, le café-restaurant des Trois-Suisses est fermé le matin ; thés, cafés ou croissants ne rapportent plus, les comptes des propriétaires en attestent, on ne peut le leur reprocher. C’est donc à 11 heures que les portes s’ouvrent, pour le dîner, elles se referment à 14 heures 30 pour la sieste ; le service reprend à 18 heures 30, pour le souper, la pinte ne désemplit pas jusqu’à minuit.
Plus de grelots à 8 heures, de yass à 9, d’apéritif à 10. Le silence est seul sous le tilleul, les 3 heures à l'église tombent dans le vide : plus personne ne dira désormais les ombres qui s’allongent, le ciel vide l’après-midi, les pas sur le gravier.
Je ne confonds pas le désert des pintes avec la fin du monde, mais ça y ressemble étrangement. Et je crains que le mouvement ne soit irréversible ; le lieu, évidemment, ne disparaîtra pas, ni son esprit. Mais qui témoignera des heures creuses ? (P)

Jean Prod’hom