Cellule de lieu et cellule de temps

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Journée donc de transition, comme on dit au Tour de France, au Riau, avec une pluie fine et le podcast d’une émission écoutée d’une oreille, hier entre Crest et Voiron, animée par Jean Claude Ameisen sur France Inter, intitulée La mémoire des jours qui furent les tiens.

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L’hippocampe et ses zones périphériques auraient donc un rôle important dans l’exercice de la mémoire, en laquelle persiste ce qui a disparu, là tout proche ou il y a longtemps. Ce que nous avons vécu en état de veille repasse en boucle la nuit, migre dans le cortex cérébral, se synchronise avec ce que nous avons déjà vécu avant de s’y intégrer. Nouvelle pièce d’une mosaïque mouvante, morceau indépendant, mais susceptible de se recombiner avec d’autres. Fidélité des souvenirs donc, inscrits dans le jeu des cellules nerveuses, mais aussi de l’espace dans lequel nous nous déplaçons et que nous nous représentons.
Les cellules nerveuses dessineraient et conserveraient les trajets que nous effectuons sous la forme de cartes dynamiques de l’environnement, qui s’empilent à mesure que nous avançons. Ce sont ces cartes que nous convoquons pour identifier où nous sommes quand on y est, pour retrouver le chemin que nous avons emprunté la veille ou il y a un mois, et qui nous conduira à l’endroit où nous souhaitons nous rendre, en déterminant notre position actuelle dans l’environnement, celles qui l’ont précédée et celles par où nous souhaitons passer. Avec parfois des bugs.
Nous disposerions donc d’un système de navigation constitué de cellules nerveuses de deux espèces. Les cellules de lieu d’abord, dans l’hippocampe, qui s’activent pour tout à la fois identifier le lieu que nous traversons et construire la carte de son environnement, cellules susceptibles d’être réactivées dans des circonstances analogues, ou pour nous aider à revenir sur nos pas.
Et, dans une région voisine de l’hippocampe, le cortex entorhinal, des cellules de grille, constituant un système de coordonnées sans lequel la navigation dans l’espace s’avèrerait impossible, une partition hexagonale de l’espace préexistant dans notre cerveau, recouvrant n’importe quel lieu sans laisser de surfaces libres et grâce à laquelle sont déduites distances et frontières.
Les cellules de lieu  – réparties sur un fond de cellules silencieuses – recomposent les cartes sans jamais les effacer. Leur nombre pourrait être important sachant que toute cellule de lieu peut devenir cellule silencieuse dans un autre environnement. Il semblerait que les cartes ainsi générées soient de résolutions différentes, certaines étant activées dans certains contextes tous les mètres, dans d’autres tous les dix mètres. Sur des cartes saturées d’hexagones de différentes dimensions.
Dans l’hippocampe et le cortex entorhinal coexisteraient donc l’activité des cellules de lieu, de grille, et silencieuses sans lesquelles nous serions perdus, mais aussi les traces de notre mémoire émotive et déclarative (ou sémantique), et les cellules de temps qui auraient pour tâche de fournir un ordre aux événements que nous avons vécus, de chiffrer leur durée et la durée des intervalles qui les séparent. Certains chercheurs ont avancé que ce sont les mêmes cellules qui président à la construction de l’espace et du temps.
La question du substrat biologique auquel ces recherches se réfèrent, la méthodologie qu’elles honorent, les observations et les interprétations qu’elles développent me dépassent naturellement. Mais le traitement de la question de la mémoire, celle du lieu, des émotions, celle du temps, du langage ont pris un virage qui ne peut me laisser indifférents. Et cette idée que les cellules de temps fassent partie des cellules de lieu ravit le sauvage que je suis, convaincu que notre seule chance, c’est que le temps se réduise au lieu.
Arthur me téléphone, je vais le rechercher, lui et ses camarades, à Cossonay ; puis Françoise et Lucie au Chalet-à-Gobet, elles mangent ce soir avec nous.

Jean Prod’hom


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