Ma mère est morte en été 2003

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Cher Pierre,
Quelques pierres semées à Grignan ont pris racine. La grand-maman de Rose, avec laquelle nous avons passé une très belle soirée, m’a envoyé un message, elle nous remercie tous, Sandra, Lucie, Arthur, Louise et Lili. Elle m’apprend que les trois pierres que je lui ai offertes, elles les a déposées dans son jardin près d'un petit chat en céramique qui veille sur elles. C’est nous qui la remercions d’avoir pu faire sa connaissance. Elle s’appelle Anne-Marie, son visage rayonne même si elle n’a pas eu une vie de tout repos. On est tous à l’image de ces pierres cassées ; à nous de nous refaire, on a une vie pour cela, ce n’est pas toujours facile.

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J’en est donc fini avec cette aventure, même si j’arpenterai encore les grèves, remuerai les laisses ; je me pencherai encore et ramasserai de nouveaux tessons. Mais je ne retournerai probablement plus sur les rives du lac de Bracciano. A l’inverse, je me baladerai sur celles du Léman, à Kérity, à Porz Even, sur les rives de la Bressonne et des Gaudines. Mais autrement, libéré de la dette que je n’ai cessé de contracter en m’appropriant ces objets.
Je m’étais promis, il y a très longtemps, de faire quelque chose avec ces petits paradis portatifs, ça aura été un livre, je n’y songeais pas. Je sais aujourd’hui que ce livre a voyagé ; ici tout près, à Corcelles, à Ropraz et à Peney ; mais aussi plus loin, sur les rives du Tage et de l’Atlantique, des deux côtés de la Bretagne, à Berlin, en Lorraine, au bord de la Méditerranée. Que vouloir de plus !
J’ai fait de belles rencontres, ce livre a réveillé des souvenirs, j’ai reçu des cadeaux – parfois un tesson, parfois une boîte qui débordait –, le livre d’une artiste qui en a fait des choses extraordinaires, des témoignages de reconnaissance.
Je rencontre demain quelques personnes qui font partie d’un groupe de lecture, à Peney. L’une d’elle me demande de ne pas oublier quelques tessons à montrer, je me réjouis. Ma mère est morte en été 2003, elle faisait partie de ce groupe de lecture, activement, elle aimait lire. Elle ne se doutait pas que je rejoindrai ses amies un jour, pour parler d’un livre que ni elle ni moi n’imaginions, je crois qu’elle l’aurait aimé. Si les belles histoires n’ont pas de fin, elles n’ont pas non plus vraiment commencé.

Jean Prod’hom