Il n’est peut-être pas si idiot de penser

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Il n’est peut-être pas si idiot de penser que le découpage disciplinaire auquel sont soumis les institutions scolaires constitue une lointaine conséquence de la division du travail, elle-même issue de la sédentarisation de notre espèce. Cette division a permis à certains de faire main basse sur les champs d’activités et, parmi eux, sur les régions de l’encyclopédie, en contrôlant les entrées et les sorties, en traçant des limites et en ménageant des passages, en établissant des langages et en cryptant des sésames. C’est vrai, cette conception a fait ses preuves ; plusieurs fois millénaires, elle ne compte pas ses réussites.

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Pourtant, les frontières entre les domaines de la connaissance (comme celles entre les états) tendent à redevenir poreuses ; et les succès dans la recherche dépendent toujours davantage de collaborations, d’échanges, d’emprunts, de mélanges, de greffes, de métissages, de traductions,... amenant l’ensemble des connaissances à redéfinir sans cesse les limites de leur territoire.
On pourrait souhaiter que la formation de nos enfants profite également de cette tendance et ne demeure pas aux mains d’enseignants issus d’une conception révolue de l’encyclopédie : géographie, allemand, histoire, mathématiques, physique..., une conception qui perdure certainement par inertie, mais aussi, et comment ne pas les comprendre, parce que ses dépositaires en tirent aujourd’hui leur gagne-pain.
Imaginons un instant que l’école se mette au diapason et renonce au découpage disciplinaire ; la voici qui serait amenée à réorganiser le temps scolaire, à reformuler le rôle des enseignants et à mobiliser l’enfant dès son entrée en classe, à mille lieues de cette vie de cul-de-plomb assisté qui caractérise l’écolier européen, enfermé dans une double grille, horaire et disciplinaire.
Celui-ci pourrait goûter un instant encore au plein air et aux joies des chasseurs-cueilleurs dans le jardin cadastré et protégé du néolithique dont nous ne sommes pas sortis, en songeant aux gains qu’il pourrait tirer personnellement de l’ensemencement du tout avec le tout, tout en rejoignant la fête mystérieuse à laquelle, qu’il le veuille ou non, il participera activement jusqu’à la fin.
Je rêve naturellement, mais j’ai entendu dire l’autre jour que les Finlandais – dont l’école, je crois, a fait ses preuves depuis plusieurs décennies –  avaient pris le parti de se débarrasser des disciplines. Il faut que je vérifie.

Jean Prod’hom