Calet mon ami

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Du sommet de la tour Eiffel – vieille bourgeoise vêtue de dentelle de Paris – la ville semble bien petite. On distingue à l’oeil nu les feuillus qui l’ourlent et l’empêchent de déborder. Voir si petite et d’en-haut cette ville qui m’a tant effrayé autrefois sur un pont de bois du Bois de Vincennes me réconforte. Il fait un soleil d’automne et je resterais bien ainsi perché à démonter ces maisons pierre à pierre, ausculter les puits sombres de ces archipels et leur seconde vie sur les toits.
Les filles ne voient pas l’affaire sous cet angle et veulent accompagner leur mère aux Galeries Lafayette. On prend le RER jusqu’à Javel ; coup d’oeil à la réplique de la statue de la Liberté sur l’Île des Cygnes, pont de Grenelle, la Muette. On se sépare à Chaussée d’Antin La Fayette. Je décide, coup de tête, de ne pas quitter la rame de la ligne 9. Jusqu’à Montreuil.

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A cause de trois petits textes d’Henri Calet : Mes copains, De bonnes nouvelles de Montreuil et Mes petits amis de Montreuil publiés par Combat et Réforme en 1947 et 1948, écrits pour donner un coup de main aux Amis des Enfants de Paris, une association que Robert, Serge, Marie-Claude et quelques autres fondent à la sortie de la guerre pour sauver le plus d’enfants possible, des enfants qu’ils attrapent lorsqu’ils se sont endormis sur les marches des stations de Pigalle, Anvers ou Barbès après le passage du dernier métro. Et que les animateurs de cette association emmènent jusqu’à Montreuil où ils ont mis la main sur une maison, inhabitée depuis le commencement du siècle. Un chantier qui nécessite du matériel, de l’argent et de l’aide. Calet offre la sienne en leur promettant d’écrire des articles appelant chacun à participer à cette aventure, c’est tout ce qu’il peut faire.
Il y a dans ces trois petit textes de Calet, comme dans tout ce qu’il écrit et touche, une grâce bienveillante qui réconcilie avec la vie et ses hôtes le plus récalcitrant des hommes.

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Qu’est devenue cette maison, c’est cette question qui m’amène à Montreuil. J’hésite : Porte ou Mairie de Montreuil. Décide pour la seconde et me trouve devant la mairie. Je ne connais pas cette ville de banlieue mais quelqu’un me souffle qu’elle n’a pas changé. Emprunte le boulevard Paul Vaillant-Couturier, sans trop espérer, pensez donc, plus de 100 000 habitants, 10 000 maisons peut-être. La rue de l’Eglise est charmante, guigne à travers la baie vitrée de la Maison des Femmes de Montreuil, des femmes partout, faut pas s’étonner. J’entre, une permanente me sourit, je lui souris. Lui demande si elle sait où se trouve la maison qui a accueilli il y a soixante ans les Amis des Enfants de Paris qu’Henri Calet a soutenus. Non je n’ai pas d’adresse, elle me conseille alors de passer à la Mairie et de prendre contact avec les archives. Mais madame, demain c’est loin. Une autre fois.
Je me fie à ma bonne étoile, le soleil aussi qui réchauffe les rues Danton, Mirabeau, Désiré Charton dans laquelle des artistes dressent un fausse souche de bois mort. Je crois toucher au but lorsque je tombe à l’extrémité de cette même rue sur la Résidence Rochebrune. Pour l’insertion vers l’autonomie. Mais à y regarder de près, cet immeuble ressemble plus à un squat qu’à une maison d’accueil, et son architecture indique à l’envi qu’elle n’existait pas au milieu du siècle passé. Je renonce donc mais prends du bon temps, le soleil ne tarit pas d’éloges cette ville de banlieue qui a capté la vie et le sang du centre de Paris. Traverse une seconde fois la rue de l’Eglise et reprends le métro à la Croix de Chavaux. Reviendrai à Montreuil. Promis.

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Retour au Riau, retour au texte même, à tout hasard. Tombe alors, comme il se doit, sur ce qui me manquait, l’adresse de la maison des copains de Calet que celui-ci mentionne à la fin de son article, au cas où des gens bienveillants voudraient bien leur envoyer ou apporter quelque chose, à tout hasard : 150, avenue du Président-Wilson.

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Google earth

Google earth fait le reste. L’autre jour, lorsque je me dirigeais vers la Croix de Chavaux, j’ai passé tout près de la maison des Amis des Enfants de Paris, je ne l’aurais pas reconnue. Je l’imaginais moins haute, les fenêtres ouvertes et les façades blanches. Avec des cris tout autour, un chien mais sans grille ni portail. La maison des Petits amis de Montreuil est devenue méconnaissable.


Jean Prod’hom