Artère de l'enfer (Dick Annegarn)

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Aujourd’hui à Bruxelles, quelques enfants qui ont trop vite grandi ont occupé pour le pire, sanglant, mortel, le haut du pavé. Ces enfants-là comme tous les enfants n’aimaient pas perdre, ils ont appris sur le grill quelques mots-éclairs qu’ils ont criés avant de mourir dans une langue dont ils ne savaient rien, une langue qui leur a offert, à eux les analphabètes, un peu de ce que leur propre langue ne leur avait pas donné, une main courante et des points d’exclamation, pour tout foutre en l’air, des femmes, des enfants et des hommes ; ils se refusaient au jeu des questions et des réponses, ça ne leur a jamais convenu ; ils se sont explosés, pas de dialogue, ils sont morts.

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On aimerait revenir en arrière, leur raconter des histoires, trop tard ; c’étaient des gamins sans personne, abandonnés sans le savoir. Alors le regret, le pardon, ils ne connaissent pas. Qui ? Ils ne comptent pour rien, ils sont morts. Personne ne les a pris au sérieux, croyant dur comme fer que ces gamins n’oseraient pas, que les digues étaient solides, et que le tu ne tueras pas serait indéfiniment reconduit, la digue a lâché ; scugnizzi devenus voyous, ils sont nombreux à ne plus rien avoir à perdre.
Certains de nos politiques annoncent que la guerre a commencé, méfions-nous ; car il y a les voyous d’en-bas et les voyous d’en-haut, ceux qui n’ont rien et ceux qui ont tout, les uns et les autres souhaitant avoir pour alliés ceux du milieu. Si la société civile accepte de rejoindre sans condition l’appel de ceux qui ont détourné le flux des richesses dans leurs escarcelles pour combattre l’inhumaine violence des voyous égarés d’en-bas, je crains le pire. La violence sans fond que nous n’imaginions pas, ou que nous croyions avoir détournée ou même vaincue pourrait bien avoir trouvé un nouveau terreau.
On demande la croissance, mais la croissance de quoi ; tout cela pourrait mal tourner. La tâche est immense : nous avons désormais à assister non seulement les proches des victimes, mais aussi les petits frères et les petites soeurs des assassins, ils pourraient venir grossir leurs rangs ; il convient également de détourner d’une manière ou d’une autre les richesses de ceux qui ont trop en direction de ceux qui manquent de tout sans quoi...
La guerre qui menace, ce n’est pas la guerre entre ceux du bien et ceux du mal, mais celle de tous contre tous. Et il y a des jours, des mots, des jugements, des empressements, des assurances, vous en conviendrez, qui la rendent dramatiquement plus familière.

Jean Prod’hom