Vivre au septième degré



Elle est demeurée volontairement à la traîne, s’est contentée, un peu aveugle, de l’en-deça de toute chose, de tout événement, de toute entreprise, nouvelle venue ou vieille locataire. Elle s’y est tenue fermement en acceptant le retard qu’elle n’a jamais cru bon devoir combler, un retard bientôt chronique, tandis que ceux qui l’entouraient rêvaient, flambaient, prenaient possession du monde.
Elle n’a jamais fait la fine bouche devant la rumeur désarticulée que les aventuriers laissaient derrière eux, elle se contentait de ramasser l’ombre de leurs entreprises avec une brosse et une ramassoire. La vieille a réussi là où personne n’a jamais rien obtenu, puisqu’il n’y avait rien. Je l’ai vue plus d’une fois tirer l’invisible filet de la bienveillance, elle aimait par-dessus tout marcher, mêlait le bruit de ses pas au silence. La vieille vivait en marge des signes de domination et des décisions de bon ton, là où la musique loge le septième degré de ses gammes, dans les appartements de la sensible.

Jean Prod’hom