Le réservoir d'essence

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Cher Pierre,
Le réservoir d'essence de la Yaris goutte depuis deux jours, je la dépose à 7 heures au garage. Lance ensuite dans les trois classes, à partir de trois textes différents, la même activité à visée technique : identification du degré de solidité des différentes régions de la langue, utilisation des moyens de référence, extension du doute. Je mange un bircher à la salle des maîtres.

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Le garagiste m'apprend à 13 heures, en grimaçant, que le réservoir est vraisemblablement troué, sur le haut, mais que ce n'est pas très grave ; il parie qu'il cessera de goutter lorsqu'il sera à moitié vide. Il vaut mieux toutefois prendre un rendez-vous ; on le fixe pour la semaine prochaine. Il m'indique avant qu'on se quitte qu'il a eu le temps de poser les pneus d'été.
Éric m'attend devant la gare d'Yverdon, on va sous le soleil jusqu'à Champ-Pittet, il me raconte les années difficiles qu'il a vécues depuis la fin de notre mandat au Burofco, pleines trop pleines : la surcharge de travail, la famille, ses dernières années à la HEP. Les foulques, les colverts, les grèbes font un bruit d'enfer, on boit un coup sur la terrasse de la buvette du Centre. Il y a deux ans qu'il est à la retraite, j'y serai dans deux ans et demi, je tends l'oreille.
Céline et Sylviane nous accueillent à la librairie de l'Etage, Aude est déjà là, Karim nous rejoint. Puis des visages connus, Marc, Isabelle et leur enfant, Lucie et Annette : une bonne douzaine de personnes en tout.
Nos hôtes ont de l'énergie et des sourires à revendre, Céline lit des extraits des Neiges de Damas et Karim de Tessons. Table ronde ensuite, impressions de lecture et d'écriture, bribes de récits. C'est la première fois que je participe à ce genre de réunion, on finit autour d'un verre, nous dédicaçons quelques livres. Agnès me confie être une fidèle des marges dont elle lit les billets le soir avant de s'endormir ; mes petites histoires, ce que je dis de l'école, ma rencontre avec le bouvreuil l'autre jour ne la laissent pas indifférente. C'est le plus beau des compliments.
C'est à la pizzeria du tennis que nous finissons la soirée, nous sommes six ; on raccompagne Aude et Lucie qui rentrent à Genève en train, nous sommes quatre ; on laisse Céline et Eric devant le1400 où l'on a bu un café, nous sommes deux ; Karim me dépose à l'hippodrome, je suis seul, guigne sous la Yaris : pas d'essence. Je rentre dans la nuit qui s'allonge par Valeyres, Ursins, Orzens, Oppens, Rueyres et Fey. Personne sur la route mais un chevreuil.
La maison est silencieuse, je ferme la porte à clé ; il y a de la lumière dans la bibliothèque, je monte embrasser Sandra. Dehors, la nuit s'épaissit.

Jean Prod’hom