Au fond du couloir des mots d’avant le langage

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Cher Pierre,
Sandra mène les filles à Thierrens puis descend au marché. Guillaume passe boire un café, je règle ce que nous lui devons ; il vérifie les mesures de la bibliothèque que nous lui avons commandée, celles des armoires de l’entrée et des combles ; Arthur fait le petit tour avec Oscar. Je me lance alors, à contre coeur, dans la correction d’une pile de travaux d’élèves, leur qualité me donne la force de terminer. Mais trois piles m’attendent encore, que je me promets de laisser derrière moi d’ici demain soir.

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Claude me signale qu’une présentation de Marges aura lieu le 19 novembre au Café littéraire de Vevey. Il serait judicieux, je crois, que je revienne sur les circonstances qui m’ont amené à publier sur le web, à éditer ensuite sur papier ; à présenter aussi les deux expériences collectives auxquelles j’ai participé, les 807 et les vases communicants. Pour le reste c’est à voir.
Stéphane m'envoie un mot dans lequel elle me propose qu’on fasse quelque chose ensemble ; la manière dont elle parle de ce qui l’entoure et lui advient me réjouit, sa proposition aussi ; on décide de se voir en début décembre.
Je laisse la Nissan devant le Brico d’Epalinges, achète à la pharmacie deux flacons de shampoing contre les poux que Lili a, peut-être, ramenés de chez sa copine de Mézières ; passe derrière le collège et descends jusqu’au chemin qui longe le Flon ; je traîne les pieds dans les feuilles mortes, par la Clochatte jusqu’à Tridel, passant outre l’interdiction d’emprunter le chemin après le Vivarium, taillé dans la molasse, qui s’est effondré sur quelques mètres ; il me faut avouer que je ne sais rien de ce qui fait tenir les choses ensemble, hormis les phrases. Le Flon, qui serpente tout au fond du vallon, donne le vertige.
Belle soirée à la Datcha ; les amis de Claude sont là pour le fêter, il est à la tête d’Antipodes depuis 20 ans et aura fait paraître, avec ses collaboratrices et ses collaborateurs plus de 200 titres. J’y retrouve Murielle, Michel et François ; fais aussi la connaissance du 8ème conseiller fédéral – il joue de la contrebasse. Dans le mot qu’il adresse à ses hôtes, Claude se demande s’il est bien judicieux d’éditer des livres ; je ne peux m’empêcher, de mon côté, de me demander si, à côté de gens si savants et si enthousiastes, je ne ferais pas mieux de faire des choses un peu utiles : maintenir hors du langage ce qui tient tout seul, ensemble et séparément.
François me remonte au Brico d’Epalinges où je récupère la Nissan. Tout le monde dort au Riau ; j’entends pourtant, tandis que je rédige ces notes à la bibliothèque, ici un soupir, un peu plus loin le froissement d’un drap, au fond du couloir des mots d’avant le langage.

Jean Prod’hom