De manque en manque c’est tout



Chaque phrase conduit à une impasse dont est grosse la phrase qui suit. Celle-ci tente de la contourner sans y parvenir jamais, condamnée à se heurter à un nouveau manque. On en appelle alors à une troisième phrase qui charrie le tout, et ainsi de suite: c’est l’effet gigogne.

On parle, on dit, on écrit de manque en manque avec le secret espoir de tout dire, par petites touches. Et on n’y arrive pas.

Le texte est le souvenir d’un manque inaugural qui a essaimé en chacune de ses parties et en chacune des parties de ses parties. Il a l’allure d’une courbe de Koch réalisée dans la nuit dont on n’aurait ni la force ni les moyens de polir les angles et les segments, une courbe de Koch qui partirait en vrille.

Le fruit prolonge le rameau, le rameau la branche. Mais que devient le fruit? - Il ne prolonge rien, il recommence tout.

Egaré sur une petite place au coeur d’un labyrinthe d’où fleurissent d’innombrables allées aux ramifications sans fin. Elles conduisent chacune à une impasse chargée d’obscurité. Il suffit de lever les yeux pour voir le ciel, c’est tout.

Jean Prod’hom