Croche noire pointée croche

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Cher Pierre,
Croche noire pointée croche, croche noire pointée croche, ni sifflement, ni cri, ni chant, un roucoulement, dit-on, celui de la tourterelle, mat et liquide, un « l » plutôt qu’un « r », rond, dont on peine à repérer la provenance. C’est à cet oiseau de madrigal que revient aujourd’hui la tâche de rappeler à l’homme, depuis que nous avons exigé du coq qu’il se taise, ses reniements et ses lâchetés. Les tourterelles le font sans déchirer les âmes, avec douceur, sans heurter les consciences. Il faut dire qu’elles restent sur le qui vive, elles ont en effet bien compris qu’elles étaient en sursis, que certains pourraient juger qu’elles font trop de bruit et ordonner qu'on leur coupe la tête.

Jean-Claude Hesselbarth

On quitte Colonzelle pour Nyons à un peu plus de 8 heures. Je tire de l’argent au bancomat , on boit un café ; Françoise et Edouard vont faire leurs emplettes dans la vieille ville, chacun de leur côté, je descends du mien sur la rive droite de l’Eygues ; impossible de le remonter au-delà du moulin, beaucoup trop d’eau. Les micocouliers, les érables, même les houx ont déclenché leurs opérations de séduction. Du vieux pont roman en haut de la ville, le regard remonte l’esse de l’Eygues, il en devine un second, un troisième et le sentier qui les longe, jusqu’à Curnier où l’Ennuye mêle ses eaux à son aînée. On aimerait aller voir de plus près.
Mais c’est sur l’autre rive qu’Edouard nous emmène. On laisse la voiture sur l’aire de Toulonne, on grimpe jusqu’au ravin entre Taillas et Grèzes qu’on suit jusqu’au col de Roux ; une bonne heure de marche sous le soleil, avant de pique-niquer au pied de chênes rabougris, qui se partagent le les collines avec des buis ardents, le jaune des genêts, les piques des genièvres et le blanc des épines noires. On croise deux colonies de chenilles processionnaires, il y a des restes de neige sur la montagne d’Angèle: le texte qui s'efface est illisible. On redescend par le centre équestre de la Garde, les chevaux sont en liberté. On aperçoit Condorcet et les dernières fleurs des amandiers. Le morceau de terre cuite, égaré sur le premier raidillon et glissé dans ma poche, a bien supporté la balade ; il a même, de frottement en frottement, commencé son travail d’usure et d’épure.
On boit une bière sur une terrasse à Nyons avant de rentrer à Colonzelle. Douche. Fais un saut à Grignan pour remettre une copie du discours de Philippe à Lily, Hessel prépare une salade de fruits.
On mange sur la terrasse, il fait bon, je reçois un message de Joëlle, un billet sur Jean-Claude Hesselbarth paraîtra demain dans 24heures.

Jean Prod’hom