La montagne de la Lance



La montagne de la Lance prise dans la ouate n'a pas bougé, mais le versant sud des collines au-dessus de Nyons se prépare à accueillir le soleil. Plus au sud, du côté d'Aix, le soleil a déjà pris la mesure de l'armée de nuages qui descendaient du nord.
Traverse le village de Grillon et ses logements sociaux, des enfants en sortent sac au dos et suivent comme des somnanbules le père ou la mère, les vacances pascales sont terminées.
Nous sommes 7 clients muets au café de la place avec la radio qui distille de la publicité. C'est la première fois cette année que je me trouve là. Des clients, au bar ou accoudés à une table lisent le journal du jour sans consommer. On entre, on sort, chaque matin c'est la même chose, les nouveaux arrivants saluent, ça va ? ça va ! puis lentement, très lentement quelque chose comme une conversation s'engage, sans queue ni tête, les maux de dos, les candidats à la présidentielle, le jardin, le voisin, les haricots, la pêche, le prix du pain.
Édouard répète dans la matinée des airs de John Rutter. Sandra, Valentine et les enfants font des courses à Valréas, Françoise est allée à la coopérative, je lis en-haut les nouvelles du Provençal.
Ce sera la première fois, mais cet après-midi je visite avec les filles le château de Grignan que je rejoins par mes propres moyens en franchissant le Lez au pied du pont de l'ancien chemin de fer. Le mistral noir souffle si violemment que je l'entends à peine.
On entre donc, Françoise, Valentine, les filles et moi dans la résidence de madame de Grignan, pillée à la Révolution, à l'abandon durant de longues années. Madame Marie Fontaine a commencé les travaux de restauration, le Département et la République ont poursuivi. Elle est aujourd'hui un majestueux garde-robe, tout y est vrai, mais rien n'est d'origine. La plus belle chose demeure la façade qu'a conçu Adhemar et la vue sur la plaine qui penche vers la mer.
On passe en coup de vent ramasser Arthur et Sandra pour une séance de cinéma à Valréas. Un film qui aura eu pour principal mérite de nous faire passer une heure et demie ensemble.
Ce soir, une fois encore on mange comme des rois.  

Jean