Ma tête est un rucher

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C'est un pré où les sorcières se réunissaient autrefois, le doute les a fait fuir. Il reste ce matin une immense mer de brouillard, avec des fantômes évidés à la lisière du bois qui retiennent par la main leurs souvenirs faméliques.
Les survivants ont déserté l'endroit, ont pénétré plus avant dans la nuit d'où ils ne sortent que les soirs de lune noire. Les moins courageux ont établi leur campement dans les quartiers calmes et oubliés de la raison et les zones muettes du langage. Ils mêlent jusqu'à l'épuisement leur venin à nos certitudes.
Rendus aveugles par nos triomphes provisoires, nous les croyons à notre merci. Ne nous méprenons pas, il nous faudra tout recommencer, repartir, repartir de rien, réveiller derrière chaque arbre le fantôme qui en est l'âme.
Je sors épuisé de cette semaine au cours de laquelle j'ai placé quelques pièces de la partie que je vais jouer cette année. Ma tête est un rucher, je m'endors contre un épicéa et rêve, je n'ai rien sur le coeur, rien dedans, des fantômes sommeillent à mes côtés. Je suis un cerf-volant dans le ciel, à peine une rêverie, le dedans déplié, double contact avec le vent.
Je reviens de loin mais j'ignore d'où, ne veux pas le savoir, ne saurais le dire. Rien à dire non plus d'ici, on ne pourrait en effet en parler que d'ailleurs et j'en viens. L'écriture est cet ailleurs qui nous conduit où nous ne sommes pas, là où nous attend le revenir, le revenir écrire ce qui s'accomplit hors de soi.
Sandra nous quitte pour passer la soirée avec des amies. Nous sommes, les enfant et moi, invités à Servion, chez Guillaume qui fête la nouvelle enseigne de sa petite entreprise de menuisierie- ébénisterie. Beaucoup de monde. Je finis par retrouver les filles qui jouent dans la nuit, on rentre. Pendant qu'Arthur et moi sortons Oscar, les filles se mettent au lit, elles dorment lorsque je vais les embrasser.

Jean Prod’hom


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