Plus d'excuses

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Plus d'excuses, c'est le moment ou jamais, Arthur termine contre rémunération le désherbage de la grande plate-bande, Sandra s'attaque à la petite, pleine de roses autrefois, mais dont le gel et la maladie ont entamé la vivacité. Pour assister à leur possible sortie du tombeau confortablement installés dans les fauteuils de la véranda, elle redouble de courage et astique la verrière.

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J'enfile la coudière que j'ai achetée hier et vais remiser à la déchèterie le chenit qui traînait derrière le garage, taille ensuite à l'autre bout du jardin ce qui reste de la haie qui entourait la propriété lorsque nous sommes arrivés il y a plus de dix ans, tronçonne quelques charpentières du saule que j'ai planté sans vraiment le vouloir près du chemin de servitude. Il a pris des proportions auxquelles je ne m'attendais pas. Ces travaux usent mes forces bien plus aujourd'hui qu'autrefois, ils ne contribuent pas à la guérison de mon épicondylite. Sans compter que, à la fin, je vois ce qui me reste à faire.
Il est 14 heures, on rejoint comme promis la Pudze (1266 mètres) au pied de Teysachaux (1909 mètres). Mon courage fond lorsque je prends conscience de l'affaire et que je constate que je suis incapable de suivre le rythme qu'impriment Arthur, Sandra et Oscar, d'autant plus qu'ils décident de couper au plus court à travers les pâturages. Je fais une longue boucle par Incrotta en désespérant de les retrouver avant Belle-Chaux. Je les vois pourtant bientôt en contrebas, ils peinent eux aussi et vont croiser sous peu le chemin que j'emprunte. Je reprends mon souffle en les attendant et retrouve un peu du courage qui m'avait lâché.
On continue ensemble jusqu'à Belle-Chaux (1510 mètres), un chalet d'alpage sur le flanc nord de Teysachaux, on se rend compte alors qu'on a raté le chemin de crête. Sandra et Arthur se couchent sur une pierre plate et me laissent continuer. J'aimerais rejoindre hors sentier l'épaule où l'on devrait retrouver le sentier qui mène au sommet de Teysachaux. Ils ne sont bientôt que deux petits points bleu et rouge en bas la pente. Continue à quatre pattes parmi les oeillets et les digitales, escalade le calcaire blanc, multiplie les arrêts. M'y voici.
J'aperçois alors dans la pente Arthur, Sandra le suit avec Oscar à ses basques. Ils parviennent enfin au sentier qui conduit au sommet. On s'y retrouve tous une demi-heure plus tard.
Le lac occupe tout le fond, le Jura qui prend appui sur ses rives s'élève jusqu'au ciel qu'il longe, à la fin on ne fait que le deviner parce qu'on n'y voit presque rien, à peine une ligne qui brille au-dessus du lac de Neuchâtel.
En continuant ce chemin de crête on parviendrait au Moléson dont on aperçoit en contrebas les reins, le garrot, la tête ensuite, on pourrait alors descendre sur les Sciernes d'Albeuve et la vallée de la Sarine.
En nous tournant vers l'est, c'est comme si on retournait à la Lécherette, tout y est, la chaîne des Vanils sur Château-d'Oex, le cirque de la Pierreuse au-dessus de l'Etivaz, plus au sud la Cape aux Moines, la Tornette, le Tarent, Châtillon et le Pic Chaussy qui se suivent comme une quinte floche. Tout y est mais les relations entre les choses ont changé.
On reprend le sentier dans l'autre sens jusqu'au Vuipay, une grosse demi-heure qui nous coupe les jambes. Les derniers rayons du soleil nous accompagnent jusque sur la terrasse. On y mange tandis que le soleil s'enfonce derrière le Jura et nous dans une couverture que les tenanciers de cette auberge de montagne ont bien voulu nous prêter.
Longue marche au crépuscule puis dans dans l'obscurité, Arthur parle tant et plus, il n'aime pas trop la nuit, s'interroge sur les prédateurs de l'homme, on a beau lui parler des vrais dangers, rien n'y fait, les meilleures raisons du monde ne servent à rien.

Jean Prod’hom


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