Le parapluie

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Le parapluie dont je m'étais saisi au Riau, hier avant de partir, que j'hésite à prendre ce matin, nous sauve Sandra et moi lorsque le ciel laisse filer plusieurs averses sur la route de Solomont. On rentre le long des prés fauchés, à la recherche d'abris, les pirouettes et les autochargeuses sont restées dehors.
Les averses s'essoufflent après le déjeuner, on décide de sortir, avec le soleil qui va et qui vient, et Oscar. Lili grimpe comme une chèvre dans la pente, là où l'herbe est plus verte, les fraises plus rouges et plus grosses. Louise s'est confectionnée une trompette avec un roseau dans laquelle elle souffle à tue-tête, Arthur saute comme un cabri, les adultes marchent avec dignité. On emprunte un chemin tendu sur le flanc de la chaîne qui va du Mont-d'Or à Dorchaux par le Gros Van. On se retrouve une heure après au Col des Mosses où a été organisé un vide-grenier : des fonds de tiroir pour une clientèle rare.
C'est en faisant du stop pour récupérer la 807 que je fais la connaissance de Michel, un paysan des Monts-Chevreuils, propriétaire du domaine de la Sia et fabricant du piat. On se rend assez rapidement compte que nous sommes parents par ma tante Denise née au fond de l'Etivaz, soeur de P. qui a épousé une de ses tantes à lui, il y a encore une soeur dont il ne se souvient pas du nom.
- Faut dire que j'ai une de ces torchées, dit Michel, demande à mon père, il est en ce moment au café de la Lécherette, il a encore toute sa tête, et viens un de ces jours, on parlera de tout ça.
Au retour, je relève Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson ceci : Les cris ne servent à rien. Dans une perspective naturaliste, l'homme révolté est une chose inutile. La seule vertu, sous les latitudes forestières, c'est l'acceptation. Celle des stoïciens , des bêtes, mieux ! Des cailloux. La taïga n'a que deux choses à offrir : ses ressources, que nous ne nous privons pas d'arraisonner, et son indifférence. "Moins on parle et plus on vivra vieux", dit Youri. Je ne sais pourquoi mais je pense soudain à Jean-François Copé. Lui dire qu'il est en danger...
En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Elles coulent de la plaie du temps blessé. Dans la cabane, le temps se calme. Il se couche à vos pieds en vieux chien gentil et, soudain, on ne sait même plus qu'il est là. Je suis libre parce que mes jours le sont.
Édouard et Françoise préparent à manger, les filles et Sandra bricolent, Arthur se plonge, avec Oscar sur les genoux, dans le premier des trois volumes d'Eragon, dont il s'étonne que je n'entreprenne pas la lecture, je ne lui réponds pas, il n'attendait d'ailleurs aucune réponse.
Un temps plus clément a régné au cours de la journée, mais une nappe de brouillard bleu descend au crépuscule pour mettre la main sur ce qu'on croyait nous appartenir.

Jean Prod’hom

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