Dos rond



Tandis que les femmes sarclaient de maigres laitues et les ombres chétives de salsifis, les hommes versaient une larme sur les plantages autrefois fertiles des planches de la fin. A dix heures on mâchait une nourriture rudimentaire, noix maigres trempées dans un sirop d’aubergine et on échangeait quelques vaines paroles pour faire taire les peines. Les sieurs les plus affamés marchaient sur les mains pour quelques sous, collectés et consacrés aux efforts de guerre et à la restauration des cultes. Une telle exigence paritaire comblait la conscience indolente des insulaires. Ruinées les petites échoppes du centre-ville nées du commerce de la pauvreté, seuls les porteurs d’eau capitalisaient certains avantages en échangeant huiles essentielles et tranches de foie rances contre générateurs d’autorité et secrets d’embryons. On perdit de vue l’endroit et on se consacra tout entier à l’envers.

Jean Prod’hom