Noyer la source



Pour écarter les obstacles qui se dressent sans cesse au devant de nos désirs de bien faire, ou écourter la durée des détours que leur franchissement nécessiterait, on se glisse au plus vite au plus court dans le sillage qu’ont laissé d’anciennes solutions – résolution conviendrait mieux ici – dont l’efficacité tient en leur acceptation collective. On décline ensuite l’invitation que nous adresse leur réapparition régulière, insistante, à faire demi-tour sur le champ et remonter héroïquement, le temps qu’il faudra et avec les peines qui accompagnent immanquablement une telle entreprise, jusqu’à leur source. Avant que celle-ci ne disparaisse sous l’incessant babil de ceux qui tiennent les cols et les détroits: désormais se taire et tarir l’eau des moulins.

Et d’ici là, sans qu’on n’y parvienne jamais, aller sur les traces de ce qui précède l’émiettement, du côté de cette force invisible qui maintient sans qu’on l’ait fait suffisamment remarquer le delta et la source, en nous gardant comme de la peste des anciennes résolutions qui mènent au pied d’un barrage où l’eau s’amoncelle jusqu’à noyer la source.
Pour que nous ne soyons pas un jour riches d’innombrables solutions à des questions qui ne sont plus à notre disposition.

Jean Prod’hom