La moquerie

J'ai vu ce petit dos, impuissant et innocent, et me suis léché les babines, ai dégainé mon poignard sans hésiter. Un faible ou un imbécile n'aurait pas sauté sur cette occasion. Moi, je suis fortement intelligent. C'était si facile. Un clignement de cils, la lame flottait au dessus de la chair ; un clignement après, elle s'enfonçait dedans. Au cinquième clignement, son sang entrait en contact avec l'air ambiant et jaillissait. Et moi, je jouissais. Un sourire aussi grand que satisfait s'affichait dès lors sur mon visage. Mes globes oculaires tremblaient. Les autres regardaient avec la même expression, et lui, il souffrait. Il ne voulait pas le montrer, mais son corps faiblissait. Il manqua de tomber à genoux devant nous. Il nous souriait ; comme s'il cherchait à nous faire croire que sa blessure lui procurait autant de plaisir qu'à nous. Mon acte avait ouvert un gouffre sombre et écarlate qui allait être refermé par le temps et transformé en cicatrice verticale, parallèle à sa colonne vertébrale. Après tout, une de plus, une de moins, qu'est-ce que ça changera pour lui? Hein? Elle m'avait été très bénéfique : le plaisir d'enfoncer la lame, de voir couler ce sang, ce plaisir éphémère que j'avais partagé avec les autres m'avait rapproché d'eux ; ils étaient devenus mes copains.

Yves

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