5. Une page se tourne

Une petite pièce sombre. Des murs tapissés d’étagères sur lesquelles reposaient des vases. C’était des Roucoulettes.  Des dizaines. Peut-être même des centaines. Au centre, un homme petit, fin, les yeux d’un vert enivrant, des cheveux poivre et sel, des petites lunettes rondes et un air bienveillant. Cet homme, vraisemblablement un potier car il avait un tour face à lui et les mains couvertes de terre et de peinture, devait avoir autour des septante ans.
Pendant un certain temps, madame de Fondeville le fixa puis, parvint avec peine à bafouiller quelques paroles plus ou moins compréhensibles:
- Heu...c’est...c’est...vvv...vvous...Roucoulettes?
- Je vous demande pardon Sybille, mais je n’ai pas entièrement compris ce que vous venez de me dire... répondit tranquillement le potier avec un sourire jusqu’aux oreilles, heureux d’avoir de la compagnie.
- Vous... vous connaissez mon prénom! répliqua Sybille avec des yeux ronds comme des soucoupes.
- Bien sûr! Je connais la majorité des couples mariés, tels que Frank et vous, car au bout d’un certain temps de vie commune, une des deux personne trouve parfois que la communication avec l’autre est plus difficile. Alors, il vient me demander conseil. Je lui propose donc une Roucoulette, dit-il simplement, et c’est ainsi que ce vase est entré en possession de votre mari, s’ajoutant au fait que c’est grâce à cela que je vous connais.
Les deux amies le regardèrent fixement la bouche grande ouverte.
- Oh mon Dieu! Que je suis mal poli! Je me présente: George Martinet, potier comme vous l’avez déjà sûrement remarqué. ajouta-t-il avec un large sourire.
- Enchantée, monsieur Martinet, répondirent à l’unisson ses interlocutrices.
Durant de nombreuses heures, ils discutèrent et firent connaissance. Plus tard, les deux petites dames repartirent. 
Au fond d’elle-même, Sybille comprit que, grâce à cette rencontre inattendue, elle pouvait enfin faire le deuil de son bien-aimé mari, Frank.


Clélia