Nuit courte



Nuit courte dans une boîte, soixante centimètres de béton sur les six faces, sous L'Arena de Berne. Me réveille à plusieurs reprises sans savoir très bien si je m'éloigne du soir ou m'approche du matin. N'entends pas la musique promise, me lève dans la précipitation, douche et réfectoire.
Tram 9 jusqu'au Graben, les élèves remettent les signatures assurant du sérieux de leur initiative à un jeune informaticien de la chancellerie fédérale, par une porte dérobée de l'aile ouest du palais, comme tout ce qui vient du peuple.
Bus 12 jusqu'à la fosse aux ours qui n'hivernent pas sur la rive droite de l'Aar. La nourriture abondante ne les y oblige pas. L'un d'eux fouille pourtant les allées.
Une animation permet aux élèves de découvrir quelques aspects de la révolution radicale de 1848. Nous visitons l'Erlacherhof, érigé au milieu du XVIIIème siècle, recevons des explications dans la salle où siège aujourd'hui le Conseil municipal de la ville de Berne, sous le regard d'Hieronymus von Erlach, le maître d’ouvrage de l’hôtel. Des poêles à carreaux de faïence bleue, ornée, ont remplacé les cheminées d'angle. Imprenable vue sur le Alpes et la basse ville. Le ciel est bleu. L'hôtel abrita en 1848, pour quelques années, l’Administration fédérale et le gouvernement.
On nous emmène ensuite devant le bâtiment où a été rédigée la première constitution suisse, on traverse le Nydeggerbrücke où l'on percevait les taxes cantonales avant l'invention de la Suisse fédérale, on aperçoit la buvette de l'hôtel Bellevue où se font aujourd'hui encore les dernières tractations entre les partis : négociations, consensus, concordance. C'est Marjolaine Minot, une artiste issue de l'école Dimitri qui fournit le contrepoint aux explications de notre guide.
La tour de la cathédrale de Berne n'est pas la plus belle, mais au-dessus du portail ouest un beau jugement dernier. Une collation nous est offerte au pied de la Banque nationale, des fers forgés animent le tympan au-dessus de la porte d'entrée, se croisent et se recroisent pour former un nid de vipères, avec au centre les initiales BNS, recouvertes de feuilles d'or.
M., la présidente de notre groupe parlementaire assure en tout début d'après-midi la bonne marche de la séance stratégique de notre fraction, on prépare à cette occasion la séance cruciale des commissions. Il y a du sérieux, de l'inquiétude aussi, chez tous je crois, la crainte que leurs adversaires d'une semaine ne réagissent pas.
Je vole un quart d'heure, un quart d'heure au soleil, un café sur la terrasse du restaurant de l'Arena, sentiment d'être vivant, vivant parmi les vivants, vivants lointains, lointains vivants, un quart d'heure seulement pendant lequel il me semble ne manquer de rien, comme si tout avait commencé il y a une minute seulement. Des enfants se poursuivent dans l'enceinte de la patinoire, des hommes d'affaires sortent des salons de l'Arena.
La séance de commission débute à 14 heures 30. La présentation de l'initiative des élèves du Mont-sur-Lausanne semble manquer son but, mais c'est peut-être pour cette raison qu'elle engage une discussion nourrie et oblige chacun à penser. Mais les parlementaires des partis dont nous faisons la connaissance font voir des idées d'un autre temps, rétrogrades, conservatrices, prêts à rester dans leurs prisons et à jeter la clef. On leur propose celle des champs, ils n'en veulent pas, n'entendent rien, s'assoupissent, qu'on en finisse.
Fin des travaux des commissions, fatigue, cantine sans cantinière, bientôt demain, il faut commencer pourtant la rédaction de ce que les orateurs diront en plénière dans la salle du Conseil national jeudi après-midi. Ils se mettent au travail les braves. J'aperçois quelques élèves qui méditent, las, ils découvrent cette semaine quelque chose dont ils n'avaient aucune idée. Au Riau tout se passe bien, je peux aller me reposer sous terre.

Jean